Apple cède à la censure et ferme l’application chinoise du New York Times

Apple cède à la censure et ferme l’application chinoise du New York Times

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© Peter Dutton/Flickr

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Par Théo Mercadier

Publié le

Alors que la Chine n’en finit pas de durcir sa politique de censure, Apple a décidé de faire fi de l’éthique pour fermer l’application chinoise du New York Times.

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Apple a visiblement d’autres priorités en tête que défendre la liberté de la presse. Soucieux de se faire bien voir par le gouvernement chinois, le géant américain de la tech s’est plié à sa requête de supprimer l’application du New York Times de son App Store local. Comme le rapporte le Guardian, le site chinois du journal américain était indisponible depuis 2012, fermé pour avoir diffusé une vaste enquête sur le patrimoine financier de l’ex-Premier ministre Wen Jiabao, enquête qui n’avait pas été du goût du gouvernement de la République populaire de Chine. L’application iPhone restait un moyen pour les Chinois de s’informer, même si de nombreux articles y étaient déjà censurés.

Le New York Times, qui n’a pas été contacté par le gouvernement chinois – ni par Apple – dans cette affaire, s’est évidemment désolé de cette atteinte à la liberté de la presse : “Cette requête contre notre application rentre dans le cadre d’une vaste tentative d’empêcher les lecteurs chinois d’accéder à notre couverture de l’actualité de la Chine, ce que nous faisons dans tous les pays du monde”, déplore Eileen Murphy, porte-parole du quotidien américain.

“Nous avons été informés que l’application était une violation de la législation locale“, a de son côté expliqué Fred Sainz, un porte-parole d’Apple, sans apporter plus de précisions sur la nature des lois non respectées. Un flou juridique savamment entretenu par la Chine, qui justifie cette politique de censure directe sur les applications en les soumettant à des réglementations destinées à les empêcher de “mettre en danger la sécurité nationale, de perturber l’ordre social et de violer l’intérêt de tous“. Des termes fourre-tout qui laissent libre cours à une interprétation très libre et favorisent les négociations opaques en sous-main, comme cela a été manifestement le cas aujourd’hui au vu des justifications très évasives d’Apple.

“En conséquence, l’application a dû être retirée de l’App Store chinois, poursuit Fred Sainz. Si la situation [politique, ndlr] change, elle pourra à nouveau être disponible au téléchargement.” Rendez-vous en 2050 ? Pour l’instant, ceux qui l’avaient déjà téléchargée peuvent continuer à l’utiliser, les autres devront utiliser des VPN pour contourner la censure et accéder au site du New York Times.

Complaisance systématique

Cette complaisance avec la politique de censure de l’empire du Milieu peut s’expliquer par les intérêts qui lient Apple à la Chine. En 2016, si le marché chinois lui a rapporté 48,5 milliards de dollars (46,2 milliards d’euros), la firme à la pomme y a vu ses ventes diminuer de 30 % en un an. La reconquête de ce marché stratégique justifie donc apparemment de fermer les yeux sur les questions d’éthique. Apple n’a en effet aucun intérêt à entretenir un bras de fer avec le gouvernement chinois, qui lui permet également de fabriquer ses produits à moindre coûts dans des usines peuplées de travailleurs payés une misère pour 60 heures de travail hebdomadaires.

L’attitude aujourd’hui adoptée par Apple contraste radicalement avec la fermeté affichée par son PDG Tim Cook lors du bras de fer avec le FBI. En février 2016, l’entreprise californienne refusait d’ouvrir l’accès de l’iPhone d’un terroriste présumé au gouvernement américain, Tim Cook qualifiant alors l’affaire de “dangereux précédent qui menacerait les libertés civiles de tous“. Et les libertés des Chinois ? Joker.

De son côté, la Chine n’en finit pas de censurer à tour de bras les médias occidentaux et les réseaux sociaux. Les applications Facebook, Instagram et YouTube sont par exemple des coquilles vides que les Chinois téléchargent … sans pouvoir les utiliser derrière. Un vendetta liberticide qui fait qu’Apple est aujourd’hui loin d’être le premier géant occidental de la tech à se plier à ces règles pour étendre son marché : en novembre, c’est Facebook qui provoquait un tollé en annonçant avoir mis au point un outil permettant au gouvernement chinois de censurer les contenus sur son réseau social. Au risque de créer un Internet à deux vitesses.