Airbnb favoriserait surtout l’économie locale des quartiers blancs et riches

Airbnb favoriserait surtout l’économie locale des quartiers blancs et riches

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

C’est ce que suggéreraient des millions d’avis déposés sur Yelp et le taux de croissance du secteur de la restauration dans certaines villes.

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“Airbnb a affirmé à de nombreuses reprises que sa plateforme dynamisait l’économie locale dans les quartiers noirs, notamment à New York. Nous n’avons trouvé aucune preuve de cette réaction en chaîne dans l’emploi lié au secteur de la restauration.”

Bim ! Mohammad Rahman, professeur à l’Université de Purdue, dans l’Indiana, n’y va pas de main morte pour tacler la plateforme de location d’appartement, dans des propos rapportés par le Washington Post. Dans une étude publiée en mai dernier, coécrite avec le professeur Mohammed Alyakoob, on y apprend que les locations Airbnb tendraient à favoriser les économies locales… mais surtout dans les quartiers majoritairement blancs.

Dans leur enquête d’abord menée sur la ville de New York, les deux chercheurs ont pris en compte deux indicateurs : la corrélation entre le nombre de locations Airbnb et le taux de croissance de l’emploi dans la restauration, ainsi que 3,5 millions d’avis déposés sur Yelp, une appli qui permet notamment de noter les restaurants. Ont été écartés de l’étude les quartiers qui étaient déjà impactés par le tourisme et l’hôtellerie, avant la vague Airbnb.

Outre les quartiers noirs, les quartiers latinos souffriraient aussi de cette inégalité. Sauf à Los Angeles (l’une des cinq autres villes étudiées dans un second temps par les chercheurs), où près de la moitié de la population est d’origine hispanique.

Mohammad Rahman avance une explication sur ces écarts :

“Les visiteurs peuvent ne pas se sentir à l’aise lorsqu’ils se promènent et cherchent des restaurants dans les quartiers peuplés par des minorités. C’est la réalité désagréable de notre société. Ces visiteurs seront donc vigilants et passeront seulement la nuit dans leur Airbnb. Ils iront ailleurs et reviendront avec Lyft ou Uber”.

Interrogé par le Washington Post, Nick Papas, l’un des porte-parole d’Airbnb, balaie cette conclusion du revers de la main. Selon l’entreprise, la publication souffre de “grosses lacunes”, notamment parce qu’elle se fonde sur des avis de Yelp, dont l’analyse relèverait de tout sauf d’une méthode scientifique valable.

Et le porte-parole de balancer le chiffre suivant : 95 % des hosts Airbnb de New York recommanderaient des entreprises locales à leurs clients. Et par ailleurs, toujours à New York, le nombre de guests augmente plus vite dans les quartiers noirs que dans le reste de la ville. Paroles contre paroles, chiffres contre chiffres.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois que des chercheurs soulignent les inégalités sociologiques engendrées par Airbnb. Une étude de 2014 affirmait que les hôtes blancs faisaient payer, en moyenne, 12 % de plus que les noirs. Une autre, datant de 2017, arrivait à la conclusion que les hôtes dont les noms étaient perçus comme “noirs” avaient plus de difficultés à trouver une chambre que ceux avec des noms “blancs”.