À 102 ans, elle reçoit enfin le doctorat que les nazis lui avaient refusé

À 102 ans, elle reçoit enfin le doctorat que les nazis lui avaient refusé

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09 Jun 2015, Hamburg, Germany — Paediatrician Ingeborg Syllm-Rapoport holds up her doctoral certificate during a ceremony at the University Clinic Hamburg-Eppendorf (UKE) in Hamburg, Germany, 09 June 2015. At the age of 102, the doctor successfully completed her doctoral oral examination at the UKE. Syllm-Rapoport finished her dissertation thesis on diphtheria in 1937/38, but […]

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Par Louis Lepron

Publié le

77 ans après, une Allemande du nom de Ingeborg Syllm-Rapoport a reçu le doctorat qu’elle tentait d’obtenir, refusé à l’époque où les nazis étaient au pouvoir. 
Les journaux Français Le Monde et Le Point, le Britannique The Guardian et même les Australiens Sydney Morning Herald et le Herald Sun : lorsque l’on tape dans Google Actualités le nom de “Syllm-Rapoport”, près de 200 occurences de médias venant du monde entier nous sont proposés. À l’origine, l’histoire d’une dame, allemande de nationalité, juive de confession, pédiatre de formation.
Ce mardi 9 juin, à l’âge de 102 ans, Ingeborg Syllm-Rapoport a officiellement reçu son doctorat des mains de la clinique universitaire de Hambourg. La cause de la réception plus que tardive de ce diplôme ? En 1938, les nazis, alors au pouvoir en Allemagne, refusent de lui accorder le droit de présenter sa thèse. Résultat, la clinique croit savoir qu’elle est aujourd’hui “probablement [la diplomée] la plus âgée du monde”.

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77 ans plus tard, la reconnaissance

Pour contextualiser, remontons aux années 30 en Allemagne. Après l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 à travers la nomination d’Adolf Hitler en tant que chancelier, les juifs commencent à progressivement faire face à des persécutions, des agressions comme des humiliations. Au-delà du déni de leur contribution à la culture de leur pays, les Allemands de confession juive sont expulsés des lieux de savoir, des universités comme des écoles ainsi que des corps de métier.
Au moment où Ingeborg Syllm-Rapoport entend présenter la thèse de son doctorat – nous sommes en 1938 et elle a 24 ans, elle travaille en tant que médecin-assistant à l’Hôpital israélite de la ville. Alors que les recherches de la jeune allemande se concentre sur la diphtérie (“une maladie infectieuse qui se transmet d’une personne à l’autre par l’intermédiaire des gouttelettes de salive” selon le site Futura), son directeur de thèse, Rudolf Degkwitz, lui explique qu’il aurait accepté son travail si seulement les nazis n’avaient pas institué des lois raciales qui empêchent son “admission […] pour le doctorat”.
77 ans après, le 15 mai 2015, Ingeborg Syllm-Rapoport a enfin pu passer son oral devant un jury composé de trois professeurs qui avaient fait le déplacement de Hambourg jusqu’à son appartement situé à Berlin. Lors de la remise du fameux diplôme ce 9 juin, le président du conseil d’administration du centre médical universitaire d’Hambourg-Eppendorg, Burkhard Göke, a ainsi affirmé :

Après environ 80 ans, nous sommes enfin parvenus […] à rétablir un petit peu de justice, cela nous remplit de satisfaction.

Entre temps, Syllm-Rapoport a émigré aux États-Unis dès 1938. Après être passée par plusieurs universités, elle réussit à obtenir un diplôme à Philadelphie, est devenue pédiatre, a rencontré son mari et a eu quatre enfants. En 1952, elle est repartie avec sa famille en Allemagne, la faute à un certain Joseph MacCarty qui entame alors une “chasse aux sorcières” aux États-Unis. Communiste dans l’âme aux côtés de son mari, elle rejoint Berlin-est et fonde en 1969 une chaire de néonatalogie, la première en Allemagne, à l’hôpital berlinois de la Charité.