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Dans les grottes de Zugarramurdi avec les Crystal Fighters

Dans les grottes de Zugarramurdi avec les Crystal Fighters

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Crédit Photo Pias

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Par Tomas Statius

Publié le

Hippies chics et décalage

11 heures. Arrivés à Saint-Sébastien, nous nous rendons en haut du Mont Igeldo afin d’assister à la conférence de presse que donne le groupe. Et en ce jour d’été, il est difficile de ne pas être ébloui par la beauté de la Baie de la Concha.

Mais également de ne pas percevoir un certain décalage entre le groupe et la culture dont ils se disent les hérauts. Avec des habits bariolés et des lunettes de soleil, les membres sont manifestement exténués. Ils balbutient des explications vagues sur la raison de leur venue. La scène est surréaliste. Comme si deux mondes se heurtaient avec en fond un point de vue superbe et le bleu du ciel.
Face à une audience amusée et une presse locale qui veut en savoir plus sur la culture basque du groupe, on doute : et si tout cela n’était qu’une supercherie ? La question est légitime pour une formation, qui, à ce moment là de la journée, affiche tout, si ce n’est la maîtrise du lexique qu’il convoque. Aux grandes questions, les bons interlocuteurs : on a interrogé Gilbert, tête pensante musicale du groupe, sur une barque. Son témoignage offre quelques précisions.
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San Miguel et Tradition

15 heures. Après les paroles et la présentation, la route. En car, avec des spectateurs enthousiastes pour une manifestations unique.

Distant d’une centaine de kilomètres de Saint-Sébastian, le village basque de Zugaramurdi abrite 200 âmes au pied des Pyrénées et non loin de la frontière avec la France.
Outre son architecture typique et les inévitables “Bentas”, la commune est aussi célèbre pour pour son passé. À Zugaramurdi, au 16ème siècle, l’Inquisition a brûlé des femmes accusées de sorcellerie. À l’aune de cette histoire chargée, l’atmosphère du village prend une allure de conte mystique.
Zugurramurdi est le village des sorcières ou plutôt des “dernières sorcières”, comme le rappelle la conservatrice du musée du village consacré à ces évènements. Après Zugarramurdi, l’Église Catholique n’exécute plus, elle enquête :

Au plus haut de l’Inquisition, il y a eu près de 5000 dénonciations ou aveux de sorcellerie. Puis, l’Inquisiteur, Salazar, a décidé de chercher des preuves pour prouver l’existence de la sorcellerie. Face à leur absence, tous les condamnés étaient pardonnés. C’est pour cette raison que l’Inquisition espagnole a décidé, à partir de là, de demander des arguments avant de juger des personnes accusées de sorcellerie.

D’autant plus que sur la place centrale, au pied de l’Église, un bruit résonne. Soucieux de la tradition basque les membres de Crystal Fighters ont invité deux célèbres joueurs de Txalaparta, la percussion traditionnelle. Coup de maillet après coup maillet, ces morceaux de bois ou de métal livrent des sons que l’on retrouve dans les chansons du combo. Les spectateurs se massent devant la scène de fortune.
Les réactions des personnes présentes ce jour-là à propos du concert du soir sont unanimes : Crystal Fighters a réussi un mélange unique entre traditionalisme et modernité artistique et à se poser comme les hérauts d’une culture millénaire : celle du Pays basque. D’un journaliste indépendant originaire du sud de l’Espagne à un étudiant de Mundaka en passant par un responsable de Pias, une galerie de portraits pour la même rengaine : la musique des Crystal Fighters ne relève en rien de la récupération ou du “parachutage culturel”.
C’est un mélange inédit qui prendrait, un résultat musical qui illustrerait la modernité du Pays basque à travers le monde. Un vitrine en somme, un truc plus gai que le conflit politique pour lequel cette terre est célèbre. On attend le concert pour se faire une idée définitive. Car la scène ne ment pas.

Musique et Paganisme

21 heures. Entrée dans la cave.
Alors que Wilhelm And The Dancing Animals déballe sa pop de qualité, on apprivoise le lieu. Anomalie géologique, la grotte de Zugarramurdi est un endroit rare où le mystère est ambiant. Le son enveloppe le spectateur d’une aura presque religieuse. Un lieu en phase, ce soir là, avec la formation.
Par les déambulations dans les nombreux recoins de la grotte que le temps et l’érosion ont façonnés, on finit par avoir notre réponse. Comme le dit si bien Joanes Garcia Basurko, originaire de Sare et organisateur du festival Usopop (petit frère rock du célèbre Baleapop de Bidart), les Crystal Fighters sont venus avec respect au Pays basque. Non pour déposséder le peuple de sa culture mais plutôt pour en offrir un métissage inédit :

C’est un groupe qui a du respect pour notre pays et qui en a vraiment compris l’essence. Ils se servent de nos instruments en revenant aux sources mais également en apportant une utilisation moderne. La culture, c’est fait pour évoluer. Par exemple, je fais de la danse basque, et c’est ce qu’on essaie de faire : moderniser.

On y est presque. C’est maintenant au tour de Belako de mettre les bouchées doubles pour une atmosphère qui ne manque pas de se réchauffer au rythme des riffs du guitariste du groupe. Puis le noir se fait. Les percussions ancestrales résonnent, avant que Sebastian n’entre en piste.
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Pendant une heure et demie les membres des Crystal Fighters enchaînent leurs hits, faisant constamment le pont entre folklore, musique folk et musique électronique. Les cultures changent, et la rencontre entre le groupe et la culture basque en est la preuve. ETA GORI CRYSTAL FIGHTERS.