Le bar qui célèbre l’héritage de Norman “Sailor Jerry” Collins, père fondateur du tatouage old school
Le bar qui célèbre l’héritage de Norman “Sailor Jerry” Collins, père fondateur du tatouage old school

Le bar qui célèbre l’héritage de Norman “Sailor Jerry” Collins, père fondateur du tatouage old school

Le 14 décembre prochain à Paris, les amateurs d’encre noire pourront renouer avec l’univers de Norman “Sailor Jerry” Collins à l’occasion de l’ouverture d’un bar éphémère entièrement inspiré par ses tatouages. L’occasion de retracer la vie de cet artiste emblématique.

Il est considéré comme l’un des personnages les plus importants de l’histoire moderne du tatouage. Et pour cause : avec son style avant-gardiste, à la croisée des genres entre traditionnels américain et japonais, Norman Collins (1911-1973) alias Sailor Jerry est le père fondateur du tatouage old school. Sa première rencontre avec la “bousille” s’effectue alors qu’il n’est encore qu’un jeune adolescent, par le biais d’un homme surnommé “Big Mike”, qui l’introduit alors au stick-and-poke (cette technique qui consiste à réaliser un tatouage à l’aide d’une simple aiguille trempée dans une petite quantité d’encre).

Après plusieurs années passées à voyager clandestinement à bord des trains de marchandises parcourant le territoire américain, Norman Collins finit par poser ses valises à Chicago, où il fait la rencontre de Gibs “Tatts” Thomas, un tatoueur du coin. Sous sa tutelle, le jeune homme, alors âgé de 19 ans, s’essaie au maniement des premières machines à tatouer électriques (les fameux “dermographes”) : une initiation qui va largement faire évoluer sa pratique. “Sailor Jerry a souvent crédité Gibs ‘Tatts’ Thomas comme l’un de ses premiers professeurs”, rappelle à ce sujet le centre de recherche Tattoo Archive.

Après avoir passé quelque temps à tatouer sous les arcades infâmes de State Street aux côtés de son maître à penser, Norman Collins décide d’intégrer la Great Lakes Naval Academy, et commence à sillonner le monde à bord de larges bateaux à voiles. Ces incessants voyages, qui le mèneront notamment jusqu’à la mer de Chine, marquent le début d’une obsession pour l’iconographie de l’océan, mais aussi pour celle de la culture asiatique : deux univers qui nourriront son art jusqu’à la fin de ses jours.

Un pont entre l’Asie et l’Amérique

Au terme de sa première mission au sein de la Great Lakes Naval Academy, à la fin des années 1920, notre artiste finit par prendre ses quartiers sur Hotel Street, une rue d’Honolulu connue pour ses innombrables bars, bordels et salons de tatouage. Un choix on ne peut plus judicieux puisque ce spot devient rapidement le lieu de passage privilégié de millions de soldats et marins qui, désireux de profiter de leur séjour loin de la mer, veulent tirer parti de tout ce qu’Hawaii peut leur offrir.

C’est ainsi que, durant les quarante années qui suivent son installation sur l’île hawaiienne, Norman “Sailor Jerry” Collins donne vie à des centaines et des centaines de tatouages, qu’il immortalise aussi bien sur la peau de ces voyageurs que sur des planches de flashs (ces dessins préconçus par les tatoueurs que l’on peut choisir de se faire encrer sans modification de la part de l’artiste). Et si les navires, aigles royaux et autres drapeaux américains constituent les motifs les plus récurrents de son catalogue, les références à la culture japonaise, avec des geishas colorées, des dragons tout-puissants ou des représentations poétiques du mont Fuji, sont elles aussi légion. Une exposition récemment consacrée à l’œuvre de Sailor Jerry soulignait d’ailleurs :

“Ses tatouages ont fini par faire leur entrée dans le cercle très fermé des maîtres tatoueurs japonais, connus sous le nom de ‘horis’. Ainsi, Jerry est devenu l’un des premiers artistes tatoueurs américains à correspondre directement avec ces maîtres, dans le but d’échanger des couleurs, des motifs, mais aussi des techniques. Cette ‘collaboration’ a contribué à faire évoluer le tatouage traditionnel américain dans un tout autre style, combinant le meilleur des mondes occidentaux et orientaux.”

L’héritage progressiste de Norman “Sailor Jerry” Collins

Non seulement, Norman Collins a contribué à révolutionner le tatouage traditionnel américain, en mariant les pin-up plantureuses et autres références marines de ce style à des influences asiatiques, mais il a également participé à l’amélioration des méthodes et outils, telles que la stérilisation des aiguilles, et à l’élargissement de la palette de couleurs des encres disponibles. C’est à lui que l’on doit par exemple l’introduction du premier pigment violet sur le marché.

Avant-gardiste, marin, tatoueur, explorateur, amateur de culture nipponne, vagabond en rébellion contre l’ordre établi… Norman “Sailor Jerry” Collins, artiste aux multiples facettes, voyait finalement dans le tatouage un rempart contre l’étroitesse d’esprit d’une Amérique repliée sur elle-même, et sur ses valeurs conservatrices. “Son travail était aussi un engagement moral, souligne le site Tattoos, un travail qu’il a eu à cœur de transmettre à ses deux protégés, Ed Hardy et Mike Malone. [Ces derniers se] sont distingués en perpétuant l’œuvre de leur maître, exerçant également le métier de tatoueur et travaillant à la reconnaissance posthume du travail de Sailor Jerry.”

Une encre marine old school réalisée chez Tattoo City, le salon fondé par Ed Hardy.

The Sailor Flash : un bar en l’honneur de Norman Collins

Aujourd’hui encore, de nombreux artistes contemporains se revendiquent du style rétro et coloré de Sailor Jerry, dont les larges planches de flashs, parfois compilées dans des livres, hantent encore les esprits. Parmi eux, le jeune Florian Santus, véritable spécialiste du tatouage old school, El Bent, dont les symboles évoquent les premières heures du tatouage traditionnel américain, ou encore Veenom et Gael, qui officient tous deux chez Bleu Noir, un salon réputé de la scène parisienne.

Le jeudi 14 décembre prochain, ces derniers prendront d’ailleurs part à l’événement The Sailor Flash : un bar éphémère, installé dans le 2e arrondissement de Paris, dont l’univers sera entièrement inspiré par l’œuvre originale de Norman Collins. Le temps d’une soirée, les amateurs d’encre noire pourront ainsi plonger dans une ambiance rock et rétro en passant sous les aiguilles de ces quatre tatoueurs français, qui revisiteront pour l’occasion les créations les plus iconiques du tatoueur américain au rythme d’un live assuré par le groupe Ko Ko Mo.

Les moins téméraires pourront eux aussi vivre l’expérience avec des séries de tatouages éphémères à l’encre naturelle, qui durent jusqu’à deux semaines. Mais attention, le choix du dessin sera laissé au destin, grâce à une roue qui décidera du tatouage attribué au participant ! Quant aux amateurs de cocktails, ils pourront découvrir une carte de quatre recettes à base de Sailor Jerry, un rhum épicé inspiré de Norman Collins. Au programme ? Des créations audacieusement relevées par les arômes épicés de ce rhum authentique : le Jerry Loves Ginger, le Sailor Daiquiri, le Spiced Mojito et le mai tai. Pour participer au Sailor Flash, rien de plus simple : inscrivez-vous sur la page Facebook de l’événement en cliquant ici !

La soirée The Sailor Flash aura lieu le 14 décembre de 20 heures à 2 heures au 142 rue Montmartre, Paris 2e. Événement ouvert au grand public, places limitées.