Entretien : l’artiste Lalasaïdko nous ouvre les portes de son monde kawaii

Entretien : l’artiste Lalasaïdko nous ouvre les portes de son monde kawaii

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Par Naomi Clément

Publié le

Quelque part entre le graffiti et la culture nipponne, l’univers de Lalasaïdko est une planète parallèle peuplée de bulles de chewing-gum géantes, de maneki-neko et de ramen savoureux. À la veille de sa première exposition, la jeune Française nous livre les secrets de son art réjouissant.

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Lorsqu’on lui demande de se présenter en quelques mots, Lalasaïdko répond avec l’enthousiasme réconfortant d’une enfant : “Je suis illustratrice et bubble artist !” Originaire du Val-de-Marne, cette jeune femme de 23 ans grandit entre le petit bois d’Ivry-sur-Seine et la plage du Prophète de Marseille. Fortement inspirée par la culture nipponne, qu’elle a découverte par le biais d’anime comme Sakura ou Naruto, elle développe rapidement un goût prononcé pour l’illustration, la cuisine et la couture, trois activités qui lui permettent de se chercher et d’expérimenter à l’infini.

Depuis, Lalasaïdko n’a jamais cessé d’explorer ces trois domaines, et a fini par se forger un univers rose pastel à 360 degrés, au travers duquel elle ne cesse d’exprimer sa fascination pour le pays du Soleil-Levant. En attendant de présenter sa toute première exposition “Lucky Bubble”, qui se tiendra du 27 avril au 18 mai prochains dans le restaurant parisien NeoBento, l’artiste nous a accordé un moment pour décrypter la genèse de son monde malicieux.

“J’étais tellement triste d’être française que je me suis créé mon monde dans le dessin”

Konbini | Tu as énormément de cordes à ton arc : l’illustration, la couture, la cuisine, le graffiti… D’où te vient ce besoin de te renouveler constamment, de toucher à tout ? 

Lalasaïdko | C’est l’un de mes grands défauts, je m’éparpille beaucoup ! J’ai envie de toucher à tout, de goûter à tout, comme dans un buffet à volonté japonais [rires]. Je dessine, bricole et crée mes propres bijoux et vêtements depuis l’enfance et visiblement, je n’ai jamais arrêté.

J’ai eu la chance de faire des études de design à Paris dès le lycée, en STI arts appliqués dans un premier temps, pour finir avec une licence “packaging”, ce qui m’a permis de me mettre à la place du designer mais aussi de l’artisan, et de réaliser mes propres projets en tant qu’artiste. L’illustration à toujours été ma première passion, mais elle s’adapte à tellement d’autres supports que le papier ! J’aimerais beaucoup avoir le temps de tous les expérimenter.

Quand je travaille sur un projet, j’essaye vraiment de tout faire moi-même, de la figurine en céramique à son packaging. Je teste un peu tout : la couture, la broderie, la poterie, la peinture… ça me permet aussi d’alterner les techniques et de ne jamais me lasser ! J’évolue grâce à ça.

Ton univers est peuplé d’animaux kawaii, qui évoquent instantanément le Japon. Qu’est-ce qui t’inspire pour créer ? 

J’ai grandi en lisant des mangas et en regardant des anime comme Sakura, Bleach, Naruto, ou des films comme Le Voyage de Chihiro et Mon voisin Totoro. À travers mes lectures, j’ai découvert la culture japonaise, de la tradition culinaire à la philosophie poétique en passant par le respect de la nature et les mythes japonais. Ça ma tout de suite passionnée.

Je me sentais vraiment proche de ce pays et je rêvais, enfant, d’être japonaise et de vivre au Japon. J’étais tellement triste d’être française que je me suis créé mon monde dans le dessin. Je dessinais mes propres histoires et personnages, le plus souvent dans mon coin car c’était un peu la honte à l’école d’être une fan de manga ! D’ailleurs, je crois que le premier plat que j’ai cuisiné petite, c’était des onigiri — et je m’étais bien brûlé les mains parce que mon riz était super chaud !

Aujourd’hui, j’assume complètement mon coté otaku et je me rends compte que cet univers enfantin et kawaïi peut aussi plaire à un public beaucoup plus mature, c’est vraiment cool ! […]

“Si je ne mets pas, ne serait-ce qu’une petite touche de rose pastel, dans mes illustrations, je ne me sens pas bien”

Certains personnages reviennent souvent dans tes dessins, je pense notamment à ton chat Maneki Neko. Y a-t-il chez toi une volonté de raconter une histoire à travers tes œuvres, de faire évoluer les personnages qui peuplent ton monde ? 

Oui, j’ai plein de personnages qui reviennent très souvent dans mes dessins, et ils ont chacun un message différent. Il y a effectivement le maneki-neko, qui est au départ un chat japonais symbolisant la chance ou la fortune, et qu’on retrouve beaucoup dans les restaurants ou boutiques chinoises. J’aime beaucoup le peindre et le réinterpréter, notamment dans le 13e arrondissement de Paris [le quartier chinois, ndlr]. Pour moi, le maneki-neko veille sur le quartier et sur ses habitants, tout en leur souhaitant une fortune plus tournée vers l’amour que la finance.

Il y a aussi mon Bubble Boy, c’est un garçon qui passe sa vie à faire des bulles. Parfois, il en fait des grosses, parfois, elles pendent et parfois, elles explosent. C’est la vie [rires] ! J’ai aussi d’autres personnages comme Karees le tigre, ou Dodo Dino, qui sont tous deux en plein développement.

La couleur a également une place primordiale dans la conception de ton travail (le rose, notamment). Comment expliquer ce besoin de couleurs très pop et pastel ?  

Ah là, là, le rose pastel… Si je n’en mets pas, ne serait-ce qu’une petite touche dans mes illustrations, je ne me sens pas bien ! C’est vraiment une couleur qui me conforte et qui attire tout de suite mon œil, qu’elle soit sur les gens, les objets ou dans la rue. J’aime beaucoup la petite histoire de la couleur rose, qui était autrefois destinée aux nouveaux-nés garçons car c’était un dérivé du rouge, et donc du sang, de la guerre… Tandis que le bleu, plus doux, était associé à la vierge Marie, et donc destinée aux filles.

Au fait, pourquoi ce nom : Lalasaïdko ? 
Lala, c’est le surnom que j’ai depuis mes 13 ans, et Saïd c’est mon nom, mes origines kabyles. J’ai ajouté la première syllabe de “Kokoro”, qui veut dire le cœur, l’âme et l’esprit en japonais. Cela représente l’amour inconditionnel pour le Japon que je cherche à traduire dans mon travail.

“Le graffiti m’a attirée très tôt”

En ce moment, tu sembles davantage te concentrer sur le graffiti. Comment as-tu découvert cette pratique, et qu’est-ce qui te plaît là-dedans ?
J’ai commencé à utiliser une bombe aérosol il y a un peu plus de cinq ans, mais j’ai découvert cette pratique beaucoup plus jeune. C’était au collège à Marseille, quand j’étais à fond dans ma période hip-hop (du style vestimentaire à la musique en passant par les cours de pop lock en MJC). Le graffiti m’a attirée très tôt, en fait, mais faute de contact dans ce milieu, je me contentais de collectionner des photos sur mon ordi.

C’est en grandissant et en rencontrant mon copain Bebar, qui est également artiste et graffeur, que j’ai finalement réussi à entrer et à m’épanouir dans ce milieu qui attisait tant ma curiosité. J’ai d’abord expérimenté sur des terrains, puis dans la rue, après avoir réussi à passer du papier au mur en trouvant un style plus simple et plus efficace.

Où peut-on découvrir tes fresques dans Paris ?

Si vous vous baladez dans le 13e arrondissement, vers la Butte-aux-Cailles, il y a quelques pièces qui tiennent plutôt bien. Sinon, il faut se déplacer un tout petit peu plus au sud, à Vitry-sur-Seine, dans le 94. C’est ici que je peins le plus. J’ai même réalisé la devanture d’une boucherie et d’une boutique de rachat d’or [rires] ! Je suis aussi souvent présente dans le super terrain de Romain-Rolland, où l’on fait nos barbec-apéro-peinture quand il fait beau !

Avant que l’on ne se quitte, pourrais-tu me parler tes prochains projets ?

Je vais me pencher davantage sur des projets textiles, en faisant imprimer mes propres tissus avec des motifs que je dessine moi-même et en continuant à produire des accessoires pour ma marque Kokoro by Lalasaïdko. En ce moment, je travaille également avec le collectif Please, Do Not Love Humans sur des visuels pour T-shirts qui sortiront très bientôt. En parallèle, on s’apprête à lancer, avec trois copines qui sont elles aussi passionnées par le Japon, un nouveau projet autour de la photo et de la mode !

Mais actuellement, je bosse à fond sur ma toute première exposition, “Lucky Bubble”, qui débutera le 27 avril prochain au restaurant franco-japonais NeoBento. J’y montrerai mes dessins, des œuvres en tissu et des figurines géantes de maneki-neko !

Le vernissage de l’exposition “Lucky Bubble” se déroulera le 27 avril prochain à partir de 18 heures chez NeoBento (58 rue du Faubourg-Poissonnière, Paris 10e). En attendant, retrouvez le travail de Lalasaïdko ur Instagram.