On a parlé chasse au phoque et cinéma avec les acteurs du Voyage au Groenland

On a parlé chasse au phoque et cinéma avec les acteurs du Voyage au Groenland

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( UFO Distribution )

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Par Lucille Bion

Publié le

Sébastien Betbeder, Thomas Blanchard et Thomas Scimeca se sont envolés pour Kullorsuaq, au Groenland, afin de poursuivre leur saga comique. Ils nous ont raconté leur périple et la genèse de leur nouveau film.

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Reprenant le concept de la saga – après les deux moyens-métrages Inupiluk et Le Film que nous tournerons au Groenland –, Sébastien Betbeder et ses deux comédiens Thomas Blanchard et Thomas Scimeca se sont retrouvés sur la banquise de Kullorsuaq, afin de tourner Le Voyage au Groenland. Ils ont bravé le grand froid, se sont essayés à la chasse au phoque et ont réussi à donner une tonalité légère à cette petite comédie qui se distingue des sorties de la semaine.

Le film, qui brouille les pistes entre fiction et réalité, raconte l’histoire de Thomas et Thomas – deux colocs parisiens, tous deux comédiens et trentenaires –, qui rejoignent le père de l’un des deux dans un petit village isolé, où ils ne pourront ni boire, ni avoir accès à Internet. Quand ils sont rentrés à Paris, ces deux acteurs excentriques ayant fait leurs débuts au théâtre nous ont accordé une interview. L’occasion de discuter avec eux de ce film si particulier.

Konbini | Comment le réalisateur, Sébastien Betbeder, vous a vendu le projet ? Comment a commencé votre collaboration sur le premier court-métrage ?

Thomas Blanchard | Il nous a dit que ça allait être bizarre, mais qu’en gros nous allions rencontrer deux Inuits qui venaient à Paris et que ça allait un peu se faire à l’arrache. Inupiluk, aussi s’est fait à l’arrache.

Thomas Scimeca | Il nous a expliqué le projet, qui était celui de s’intégrer au voyage des deux Inuits venus découvrir la France, voir la mer, voir des arbres et des animaux qu’ils ne connaissent pas là-bas, et faire une partie de chasse chez nous. L’idée de départ de Sébastien c’était de faire un duo comique qu’on suivrait pendant son périple, et donc d’écrire un mini scénario en fonction des différentes étapes de son vrai voyage. Une espèce de mélange entre la fiction et le documentaire.

Et ce premier film, Inupiluk, vous a emballés ?

TB | Ce qui était beau, c’est que tous les trois, on s’est connectés dans l’humeur et l’envie, notamment sur les personnages. Tout de suite, on s’est bien compris et du coup ça s’est fait très vite, très naturellement. L’idée d’aller au Groenland est venue assez tôt. Ensuite, on s’est vus beaucoup de fois et je crois que l’amitié s’est construite en même temps que le projet s’est concrétisé.

TC | À la fin d’Inupiluk, Sébastien voulait qu’on se dise “à bientôt” près d’une bouche du métro parisien. Je pense qu’il avait déjà en tête de faire la suite. Un court, un long, peu importe : on allait se retrouver au Groenland parce qu’il sentait que le court-métrage fonctionnait bien, avant même de le monter.

Mais vous étiez réellement amis avant de tourner ensemble ?

TB | Oui, on a fait l’école ensemble, donc on se connaît depuis…

TC | On vient du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, la plus grande école de France. On était tous les deux dans la même promotion.

Comment vous êtes-vous  préparés pour aller au Groenland ?

TC | Comme des vieux campeurs. L’idée c’était quand même de ne pas trop se préparer. De toute façon c’est “impréparable”. On ne peut pas vraiment imaginer un tel voyage, mais on peut fantasmer, on peut délirer sur ce qu’il va se passer là-bas.

TB | Après, pour ce qui est de nos personnages, on les avait quand même essayés avec le court-métrage. Il n’y avait plus qu’à se jeter à l’eau.

TC | On est un peu inadaptés à ces -35 degrés, à ces gens qu’on connaît pas et qui vivent dans une culture très différente de la nôtre, mais c’est ça qui fait l’humour du film. Donc on s’est surtout préparés de façon vestimentaire.

Vous en ressortez comment de ce tournage ?

TC | Bah, tout est supportable quand on a un billet aller-retour.

TB | Je suis hyper heureux d’avoir rencontré ces gens, de découvrir ces paysages et ces modes de vie : c’est vrai que ça a été hyper fort comme aventure, mais personnellement je sens bien que je ne pourrais pas vivre dans ce pays. 

Quand vous êtes rentrés, qu’avez-vous ressenti ?

TB | Le vert, l’air, les arbres, retrouver la ville, le bruit, la pollution tout ça… ça fait du bien. C’est pas tellement le froid le plus dur, mais l’aspect tout blanc et le fait d’être isolés. Et de revoir du relief et de la végétation, ça fait vachement de bien. Et la bouffe aussi.

TC | De la chaleur. Étonnamment, on a très très envie d’y aller, mais au bout de quelques semaines on a très très envie de rentrer. Le départ est un peu triste, mais c’est tellement dur et particulier qu’on a envie de rentrer pour retrouver nos amis, notre famille et, oui, notre bouffe.

Ça vous a apporté quelque chose, humainement, de tourner là-bas ?

TB | Oui, c’est tellement extraordinaire que ça bouleverse forcément. Mais c’est surtout la rencontre avec les gens qui est bouleversante. Par exemple, les enfants jusqu’à dix ans sont mignons. Mais à 11 ou 12 ans, ils commencent à fumer et tu sens qu’ils deviennent des ombres errantes dans le village – quelques-uns même, se suicident. En fait, on est tout le temps dans des contradictions.

TC | C’est très “claustrophobique” : on a une espèce d’étendue à perte de vue, on s’imagine qu’on peut se promener partout, mais il y a des ours aux alentours, la banquise est plus ou moins fine et donc il faut faire gaffe. On est dans un désert blanc, ce qui fait qu’on ne peut pas vraiment quitter le village.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqués ?

TC | Ce n’est pas forcément un bon souvenir, mais je dirais la fois où nous sommes partis à la chasse à l’ours et au phoque. Malgré un scénario très écrit, on n’est pas des chasseurs dans l’âme, mais deux petits Parisiens. C’était donc curieux de découvrir ça et c’était dur.

Pourtant on dirait qu’il y a beaucoup d’improvisation, comme si le film reposait sur votre amitié …

TB | Je pense que c’est parce que Sébastien nous connaît bien et qu’il a écrit le film pour nous. On en a beaucoup discuté ensemble avant, et il a rédigé le scénario en mêlant des choses qui nous sont propres à tous les deux. Il y a donc notre amitié à tous les deux, mais aussi celle qu’on a avec Sébastien : en fait, c’est presque un trio. La frontière avec la réalité et la fiction est toujours un peu brouillée. 

TC | Je crois que ça tient aussi à la réalisation. Le fait que l’on soit au Groenland et que ce soit tourné “à la Herzog”, avec des gens qu’on ne connaît pas, dans un milieu un peu hostile pour nous Occidentaux… ça amène une sorte de confusion pour le spectateur. En plus, on joue des personnages qui portent nos propres prénoms, et on joue deux acteurs alors qu’on est acteurs dans la vie. Mais les gens ne sont pas dupes, ils voient bien que l’on met une part de nous-mêmes, on n’est pas aussi idiots que dans le film. 

TB | Je n’ai pas l’impression qu’on ait mis plus de nous-mêmes dans ce film que dans les autres. La part d’intime de soi-même existe toujours de toute manière. Mais là, le fait qu’il y ait nos noms, qu’on soit amis aussi et qu’il y ait déjà deux premiers volets, ça crée un mélange qui est intéressant et agréable. On n’est pas complètement des losers ou des héros. Il y a une espèce de jeu avec ça, une singularité d’auteur.

Quel est le rapport au cinéma des habitants du Groenland ? Qu’ont-ils pensé du tournage ?

TC | Ils n’ont aucun rapport au cinéma, sauf par le biais d’Internet et éventuellement de la télévision. Mais en ce qui concerne leur rapport au jeu, ils ont toujours été à fond. Même si ça peut aussi les gonfler assez vite, comme n’importe quelle personne qui ne fait pas ce métier dans la vie. C’était une gestion un peu compliquée, mais ils étaient ravis de faire le film.

TB | Ils avaient vu le court-métrage et voyaient très bien l’univers dans lequel on était : la comédie. Ils nous connaissaient par l’image et nous ont accueillis à bras ouverts. Il y avait quelque chose de généreux et de bienveillant de leur part, dans l’idée qu’on vienne. Et ils étaient heureux aussi, je pense, de participer aux films, car pour les scènes de fêtes, par exemple, tout le monde était convié et ils sont venus. Ils ont apprécié le fait d’être chez eux pour nous parler de choses réelles, de ne pas édulcorer leur mode de vie, sans enjoliver.