Victoires de la Musique, stop ou encore ?

Victoires de la Musique, stop ou encore ?

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Par Konbini

Publié le

Dilemme

Tout le dilemme des Victoires de la Musique : être une émission trentenaire qui aura récompensé le gratin de la chanson française (Goldman, Farmer, Halliday, Aznavour, Bashung, Salvador, Barbara…) avant d’essayer un recentrage sur les nouveaux artistes tout en essayant de conserver une part d’audience importante… mais sans froisser les gros vendeurs de l’année, peu éligibles pour de simples raisons qualitatives et qu’on laisse aux NRJ Music Awards (Kendji Girac cette année, scandale en cours…).
Un travail que les Césars ont réussi à faire depuis des années au détriment des comédies lourdingues et des films populaires insipides. Mais depuis quelque temps, on sent bien que les programmateurs ne savent plus sur quel pied danser.
Comment attirer un large public si l’on évince les vedettes popularisées avant tout par NRJ ou Skyrock, cibles privilégiées des 8-16 ans, et donc du portefeuille de leurs parents ? Comment s’éviter une cérémonie trop longue et les blagues de Nagui ou les approximations d’Alessandra Sublet en sélectionnant trop d’artistes ? Comment ratisser le plus large possible en intéressant les branchés, les fans et les consommateurs qui achètent 3 disques par an ?
Depuis quelques éditions, la programmation laisse pantois. Entre les têtes d’affiches écartées d’office (cette année Julien Clerc, Bertignac, Noah, Zaz, Kyo, Lavilliers, Benabar, Adrien Gallo, Shy’m ou Christophe Willem), les oubliés en tous genres (Jean-Louis Murat, Florent Marchet, Miossec, Thiéfaine, Dominique Dalcan, Cyril Mokaïesh, Kent, Nosfell, Yodelice, Sébastien Tellier, Katerine ou Dick Annegarn…), l’émission doit aussi se passer des services de certains, peu enclin à se mélanger aux autres…

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Résistance

Absents

Côté filles, la présence incongrue de The Dø au milieu de Brigitte et Christine masque mal l’absence de Coralie Clément, Daphné, Emilie Simon ou Mina Tindle …Quant à l’électro, face à l’inamovible Guetta, comment lui opposer Yelle et Cascadeur, plutôt pop, alors que Para One, Joakim, Mondkopf, Moodoïd, Isaac Delusion, Ez3kiel, Mr. Oizo, Talisco, Feadz, Rone, Chinese Man ou Kadebostany ont sorti de bons albums en 2014 ?
Enfin, question rock, même si l’on sait bien que ce pays ne l’a jamais vraiment été, on semble bien parti pour se cogner Skip The Use et Shaka Ponk en étendard tous les 2 ans, dans une catégorie qui récompensa Superbus au lieu de Dionysos, Phoenix au lieu de Détroit, et qui aura du mal à accueillir sur scène de nouveaux artistes radicaux mais excitants que sont Gontard!, Rhume, Koudlam, Cheveu, Michel Cloup, Mustang, H Burns ou Gaspard Royant !
La liste est pourtant longue des artistes signés en France, des nouveaux projets, des passionnés, des rêveurs qui se voient encore faire une carrière à l’heure où les chiffres du digital ne décollent toujours pas et où les portes des radios se ferment petit à petit (Le Mouv devient “urbain”, France Inter court après RTL et Europe 1, dont les propres playlists se réduisent comme peau de chagrin…).
Il en faut du courage pour affronter les frimas et monter sur scène devant dix personnes avant d’espérer voir plus grand. Pourtant la musique est partout, lien social primordial et immortel qui continue de générer son lot de fantasmes, de stars (fussent-elle d’un soir) et de succès.

Devoir

Mais le constat est amer : en 2014, 94% du Top 100 albums était détenu par les majors. Et pour un Fauve entièrement indépendant et quelques nouveautés pop (Christine, London Grammar, Milky Chance, Cats On Trees…), le reste est à l’image des playlists d’NRJ : du gros qui tache (Indila, Black M, Keen V, Kendji Girac, Frero Delavega, Maître Gims…), des artistes qui n’ont plus rien à prouver (Souchon/Voulzy, AC/DC, Johnny, Pagny, Pink Floyd…) ou des projets ultra-marketés (Les Enfants du Top 50, La Bande à Renaud, Les Enfoirés, Les Prêtres, les projets Disney, Sidaction, Forever Gentlemen…).
Si les Victoires ne pourront jamais être les Grammys ou les Brits Awards en terme d’éclat et d’audience, il est de leur devoir de garder présente la richesse et la diversité de notre scène musicale (on n’oublie pas la renommée internationale de Daft Punk, Phoenix, Woodkid, M83 ; ou encore Alexandre Desplat en bande-originale française, catégorie oubliée…) et d’être irréprochable en terme de qualité artistique si l’on veut éviter l’uniformisation qui gangrène déjà les radios et les grandes chaines.
Le Prix Constantin n’existe plus et il reste peu d’options pour que les prochains Brel, Brassens, Daho ou Barbara puissent avoir leur chance d’exister, alors que ce pays compte de nombreux talents en son sein, partout, dans tous les styles.
Alors peu importe qui de Calogero ou de Johnny sera le meilleur, le public a juste envie de fraicheur, de sang neuf et de bonnes chansons. Encore faut-il qu’il soit au courant de l’offre.
Article écrit par Fabrice Bonnet