Pourquoi “Un jour sans fin” est devenu une comédie culte

Pourquoi “Un jour sans fin” est devenu une comédie culte

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Par Constance Bloch

Publié le

La semaine dernière, le cinéaste et acteur Harold Ramis est décédé des suites d’une maladie auto-immune rare. Derrière lui, il laisse son rôle dans Ghostbusters, mais surtout la comédie Un jour sans fin, réalisée en 1993 et depuis considérée comme culte.
La comédie Un jour sans fin (Groundhog Day) met en scène Phil Connors, un présentateur météo cynique et imbu de lui-même, qui est envoyé comme chaque année dans une petite ville pour couvrir “le jour de la marmotte”.
Le principe ? L’animal endormi est réveillé par les habitants, et il doit annoncer la fin de l’hiver, le tout dans une ambiance festive et populaire. Mais depuis les premières minutes du film, les choses sont claires : cet évènement, le journaliste le méprise. Citadin, il déteste les petites villes et ne manque pas de le faire savoir à l’équipe qui l’accompagne : sa productrice Rita (Andy MacDowell) et son caméraman (Chris Elliott).

Une fois l’évènement retransmis, Phil veut rentrer chez lui le plus vite possible mais se retrouve obligé de prolonger son séjour d’une nuit en raison d’une tempête de neige. C’est là où le mécanisme du long-métrage se met en place : le lendemain matin, lorsqu’il se réveille, nous sommes toujours le 2 février, “le jour de la marmotte”. Il se retrouve alors pris au piège dans un endroit qu’il déteste, comme si le sort avait décidé de punir son arrogance.

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Pris au piège dans le temps

Dès le début du film, le personnage principal est irritant. Son manque d’enthousiasme pour tout ce qui l’entoure et la façon dont il traite les autres agacent. Sa petite notoriété en tant que présentateur météo d’une chaîne locale semble lui conférer le droit de mépriser tout le monde, et lorsque l’on s’aperçoit qu’il est destiné à revivre ce jour de cauchemar à l’infini, on est dans un premier temps content qu’il soit puni.
La boucle éternelle dans laquelle il est retenu débute toujours de la même façon et met en place le comique de répétition. Le réveil sonne avec le tube “I Got You Babe” de Sonny et Cher, Phil se lève prendre son petit déjeuner, il croise un SDF puis un ancien camarade de classe et retrouve inlassablement sa productrice et son caméraman autour de la marmotte (qui se prénomme Phil également) prête à être réveillée par le maire de la ville. 
L’une des forces indéniables du long métrage est son brillant scénario (coécrit avec Danny Rubin). Alors que l’on a l’impression que l’idée – géniale – de départ ne va pas tenir sur la longueur, peu à peu elle se déploie et révèle une mécanique finement huilée.
Bien que reposant sur des éléments irrationnels, l’histoire ne nous déconnecte pourtant pas de la réalité et nous force à nous questionner sur notre propre quotidien. Le personnage est rapidement confronté à un choix : quel sens donner à sa vie quand on a l’éternité ?

Un conte moderne

Une réflexion métaphysique

Bien que les ficelles d’Un jour sans fin soient celles de la comédie, si le long métrage a autant marqué les esprits, c’est que le sujet est beaucoup plus profond que la plupart des films du même genre. En effet, il propose une vraie réflexion sur l’épanouissement personnel et les rapports de l’individu à la communauté. Ainsi, un homme égoïste et rempli de préjugés peut évoluer et même renaître s’il prend le temps de comprendre les gens qui l’entourent.
Si au début, le héros décide de profiter de la situation pour faire tout et n’importe quoi car il n’y a aucune conséquence sur sa vie (il n’y a pas de lendemain), il finit par mettre à profit ce temps et développe un altruisme hors du commun.
Après avoir essayé à plusieurs reprises – sans succès – de se suicider pour échapper à sa condition, on assiste lentement à son voyage initiatique et à sa transformation : il se met à jouer du piano, à apprendre le français, à s’intéresser à la poésie et surtout, il passe du temps avec les gens qu’il méprisait jusqu’à les connaître parfaitement.
L’homme aigri se transforme en héros local, admiré de tous, et parvient à atteindre une forme de plénitude dans son enfermement spatio-temporel. Et finalement, c’est lorsqu’il a arrêté d’essayer que Phil parvient à obtenir ce qu’il cherche depuis le début : l’amour sincère de Rita.
Car le héros n’est pas quelqu’un de mauvais ou méchant. Il est la représentation de l’homme moderne qui s’ennuie et dont la vie est dénuée de sens : il est l’incarnation de l’individualisme exacerbé. C’est en apprenant à profiter de chaque instant et à être généreux qu’il renoue avec lui-même. Finalement Phil, c’est chacun d’entre nous.

Un duo d’acteurs culte

Outre les réflexions métaphysiques et un brillant scénario, le film est porté par un solide duo d’acteurs : Bill Murray et Andy MacDowell forment un couple de cinéma culte. Le comédien nous sert ici l’un de ses plus grands rôles en rendant drôle et touchante l’évolution de cet homme rigide. Andy MacDowell est quant à elle parfaite dans la peau de la charmante Rita. On ne comprend que trop bien la fascination qu’elle exerce sur Phil, et comme lui, on en tombe peu à peu amoureux.
Au-delà de son caractère comique indéniable, Bill Murray transmet à la perfection la palette d’émotions ressenties par son personnage face à son enfermement. Il rend la métamorphose de Phil jouissive et nous permet de nous questionner sur le sens de la vie.
Avec Un jour sans fin, Harold Ramis signe l’une des comédies romantiques les plus réussies de ces dernières années et destinée à rester dans les mémoires. Car ce conte moderne plonge le spectateur dans une réflexion philosophique profonde et inattendue de la manière la plus efficace qu’il soit : entre deux éclats de rire.