Taylor Swift accusée (à tort ?) de racisme pour son clip “Shake it off”

Taylor Swift accusée (à tort ?) de racisme pour son clip “Shake it off”

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

Je n’ai pas regardé le clip de Taylor Swift et je n’ai pas besoin de le faire pour vous dire qu’il est offensif et néfaste.

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 Il perpétue les stéréotypes des personnes noires et des filles blanches qui se cachent derrière leur préjudice en proclamant leur amour de la culture.

La machine Twitter s’est alors emballée, comme à son habitude, si bien que beaucoup de personnes ont commencé à accuser la chanteuse de racisme.

Taylor Swift a fait une parodie de la culture noire et de la féminité noire dans son nouveau clip ! Quel contraste mignon et absolument raciste.

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Salut, Taylor Swift. Bienvenue dans le club des chanteur pop racistes.


Les gens n’y sont pas allés de main morte, même si une floppée de Swifties comme on les appelle, sont venus à la rescousse de leur idole. La plupart des médias américains ont alors alimenté la polémique en rapportant les propos du rappeur et en le soutenant plus ou moins. Par exemple, le site Internet Mic, avec lequel on est pourtant plutôt d’accord d’habitude, analyse :

La vidéo entière dévoile des stéréotypes racistes et de l’appropriation culturelle. Le problème avec toutes ces vidéos de femmes blanches qui twerkent, ou sont entourées par ​​des femmes noires qui twerkent, c’est qu’il est acte majeur d’appropriation culturelle, ainsi que d’une tentative d’accessoiriser le corps des femmes noires.

Quant au site Jezebel, il ironise : “Elle est la chérie de l’Amérique qui ne sait que s’habiller avec les code vestimentaires d’un autre groupe ethnique, c’est pas cool, non ?”

Aux États-Unis, les femmes blanches ne peuvent pas twerker ?


Taylor Swift, rampant sous les postérieurs de danseuses qui twerkent, chaînes en or au cou, d’un air moqueur. C’est ce passage du clip qui a particulièrement déclenché la polémique. Car “l’appropriation culturelle” dont on l’accuse, mis à part sa tenue, est aussi le fait de twerker. Si beaucoup de personnes ont découvert le twerk l’an dernier avec les frasques médiatiques de l’ex-Hannah Montana, ce déhanché du popotin aux allusions sexuelles explicites est censé être réservé aux femmes de couleur noire, si on en croit les commentaires.
 
Lorsque Miley Cyrus, en pleine cérémonie des MTV Video Music Awards 2013, avait frotté son arrière-train contre Robin Thicke, lui même accusé de sexisme (à raison) pour son clip “Blurred Lines”, l’Amérique avait été scandalisé. Plusieurs personnes avaient alors accusé Miley de racisme pour avoir surjoué le twerk en compagnie de danseuses exclusivement noires. Ces critiques étaient fondées, même si les nombreuses provocations de l’ex “princess disney” finissent par nous rendre presque indifférents. L’affaire Taylor Swift nous rappelle également celle de Lily Allen et son clip “Hard out here”.
Les critiques sont alors encore plus radicales aux États-Unis, et c’est comme si dès qu’une femme blanche s’appropriait une image ou un geste normalement associé à une autre culture, elle était raciste. Pourtant, l’origine du twerk reste un peu floue. Quand certains disent qu’il a vu le jour dans les clubs de strip-tease américains, d’autres assurent qu’il a des origines queer tandis que le reste l’associe au Mapouka, une danse ivoirienne qui faisait fureur dans les plus grandes villes d’Afrique subsaharienne dans les années 1990. On est un peu perdus.
De plus, Taylor Swift ne twerke pas vraiment, elle essaie juste, ce qui est d’ailleurs assez ridicule. Et l’impression générale n’est pas qu’elle se moque des danseuses mais plutôt de son incapacité à twerker. Et à y regarder de plus près, les twerkeuses ne sont pas toutes noires, certaines sont blanches !

Dans son clip, tout le monde en prend pour son grade, surtout elle

Alors qu’elle tente de twerker comme Miley Cyrus, qu’elle adopte un look futuriste à la Lady Gaga, qu’elle montre qu’elle est une danseuse classique et contemporaine pitoyable et qu’en pom-pom girl ce n’est pas mieux : on comprend que tout le monde en prend pour son grade et surtout elle-même. Un peu d’autodérision pour aller dans le sens des critiques qu’on lui a fait quant au fait qu’elle ne sait pas danser. Et elle avait plutôt raison, “Haters gonna hate”.
Dans une interview accordée au magazine Rolling Stone, elle racontait, la veille de la sortie de son clip :

Nous avons twerké et c’était très amusant. Les filles essayaient de m’apprendre comment faire. J’ai vraiment essayé dur mais rien n’y fait. Dans le clip, je me place dans toutes ces situations bizarres où les chanteurs sont incroyables, et je m’amuse sans être vraiment à ma place. Ils font les plus belles choses du monde et je suis ridiculement mauvaise à ça. Cela montre qu’il faut continuer à faire ce qu’on fait, d’être ce qu’on est, continuer d’essayer de trouver où est notre place dans le monde et on finira par y arriver.

Le message qu’elle a a priori voulu faire passer, c’est donc qu’elle n’arrive pas à danser comme ses consoeurs. Toujours sur le ton de l’humour et l’ironie, quelque soit la danse, elle se moque de sa maladresse. Et même si ce n’est ni la chanson ni le clip du siècle, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, l’accuser de racisme paraît excessif. Si elle veut s’entraîner à twerker, pourquoi pas ? La chose qu’on pourrait néanmoins lui reprocher, c’est que pour la danse classique, toutes les danseuses sont blanches.
On l’accuse aussi de reprendre les codes de la communauté noire pour faire de l’argent. En même temps, n’est-ce pas ce qu’a fait Nicki Minaj dans son dernier clip “Anaconda”, rempli de placement de produits, avec cette longue séance de twerk sportive que certains médias ont même qualifié de “soft porn” ?
“L’appropriation culturelle” est une expression péjorative. Elle désigne le vol de pratiques culturelles d’une classe dominante à l’égard d’une classe qui serait soumise dans un contexte social. Le problème ici, c’est que le “twerk” est devenu un phénomène populaire aux États-Unis, traversant les frontières, et plus forcément un critère culturel exclusivement reservé à la communauté des Noirs Américains.
Qu’on se le dise : quand Nicki Minaj fait du twerk dans son dernier clip, ce sont près de 30 millions de personnes qui visualisent sa vidéo en deux jours. A-t-on déjà accusé l’industrie musicale de s’être appropriée le twerk par l’entremise de ses artistes ? Jusqu’à maintenant, non.

Quitte à choisir, et ce n’est pas du tout une question de couleur de peau, alors que le clip de Taylor Swift nous a fait légèrement sourire, l’attitude de Nicki Minaj nous a un peu froissé (même si on n’en attendait pas moins). Tout le monde devrait pouvoir twerker, il paraît même que ça permet de libérer ses chakras.