Le discret succès de Timbuktu aux États-Unis

Le discret succès de Timbuktu aux États-Unis

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Timbuktu, de Abderrahmane Sissako

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Par Constance Bloch

Publié le

Récemment multi-césarisé, le drame d’Abderrahmane Sissako a dépassé le million de dollars de recettes aux USA. Un fait plutôt rare pour un film africain. Explications.
C’était l’un des films évènement l’année dernière sur la Croisette. Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako avait fait sensation au Festival de Cannes, déchaînant la passion des critiques. Près d’un an plus tard et une jolie sortie en salles, le long métrage raflait 7 Césars lors de la cérémonie, dont le trio gagnant Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur scénario. Ces distinctions le propulsait quelques semaines après au-dessus de la barre du million d’entrées en France. Une jolie performance pour le cinéaste mauritanien, dont le précédent film, Bamako, avait cumulé 226 000 entrées en 2006.
Si ce plébiscite du public français était une suite logique à ces récompenses, aujourd’hui, un journaliste souligne un succès bien plus discret du film au box office américain. Dans un article publié sur Indiewire, Tambay A. Obenson révèle que depuis sa sortie Outre-Atlantique, Timbuktu a dépassé le million de dollars de recettes (1 040 427 exactement), alors qu’il a été distribué sur 4 copies uniquement depuis fin janvier.

Ce n’est pas souvent qu’un film réalisé par un cinéaste noir africain au sujet de Noirs Africains sorti aux États-Unis engrange plus d’un million de dollars !“, écrit le journaliste. Pour contextualiser, il évoque les recettes des films sortis récemment, qui sont quasi insignifiantes à côtés de celles de Timbuktu.
Par exemple, Viva Riva !, réalisé par le congolais Djo Tunda Wa Munga avait récolté 62 000 dollars avec son polar satirique. La co-production britannique et nigerienne Half a Yellow Sun, de Biyi Bandele, avait engrangé encore moins (55 000 dollars) et Un Homme qui crie, du franco-tchadien Mahamat-Saleh Haroun, n’avait quant à lui pas dépassé les 10 000 dollars.
Comme le pointe du doigt Tambay A. Obenson, il faut remonter à 2006 pour trouver un long métrage qui a eu autant, voir même plus de succès que celui d’Abderrahmane Sissako au box office américain : Totsi, qui a l’époque a raflé l’Oscar du Meilleur film étranger (et 3 millions de dollars). Mais le drame a été dirigé par un cinéaste sud africain blanc tout comme District 9 de Neill Blomkamp, qui quant à lui ne parle pas du tout des Noirs Africains, ce qui l’exclut donc complètement de la comparaison.

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Un sujet d’actualité

Mais qu’est-ce qui a fait le succès américain de Timbuktu ? Si le florilège de récompenses et de louanges qui ont inondé le film y sont clairement pour quelque chose (et ont contribué à sa visibilité médiatique), selon le journaliste d’Indiewire, c’est également le sujet du film qui a trouvé écho chez les spectateurs. En effet, il raconte avec finesse et une grande poésie l’histoire d’un petit village non loin de Tombouctou tombé sous le joug des extrémistes religieux, où Kidane mène une vie simple et paisible entouré de sa femme, sa fille Toya et son petit berger âgé de 12 ans.
Les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football. À travers ce portrait d’un petit village privé de bonheur, le réalisateur dénonce de la meilleur des façons les dérives de l’extrémisme religieux. En mêlant humour, raffinement, et beauté, Abderrahmane Sissako trouve une véritable résonance auprès d’un public qui n’était pas conquis d’avance.