Roller derby, insomnies et ados en cavale : notre sélection BD et comics de septembre

Roller derby, insomnies et ados en cavale : notre sélection BD et comics de septembre

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Par Florian Ques

Publié le

De Toutes mes nuits sans dormir à Slam, voici un panorama éclectique des sorties de cette rentrée.

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Chaque mois, c’est la même rengaine. Les maisons d’édition proposent tout un lot de nouvelles bandes dessinées et autres comics made in USA afin de régaler les amateurs d’histoires graphiques. Comme leurs publications sont nombreuses (voire innombrables), on a pris l’initiative de dresser une petite sélection des ouvrages qui nous ont le plus marqués en ce mois de septembre. Entre des filles sur roulettes qui tabassent des gens et un acrobate qui doit composer avec un double maléfique, il y en aura pour tous les goûts.

Toutes mes nuits sans dormir

Chroniqueuse pour la version US du magazine Vice, la brillante Leslie Stein s’est lancé un défi pour le moins particulier. Pendant près d’un an, elle s’est mise à dessiner, peindre, gribouiller. Chaque jour, sans exception. Cet exercice, fastidieux pour beaucoup, a permis à l’artiste de mettre sur pied Toutes mes nuits sans dormir, une œuvre intimiste dans laquelle il est facile de se retrouver. On y rencontre une jeune femme, tantôt épanouie, tantôt déprimée, toujours prête à écumer les bars ou à passer des heures au téléphone avec ses copines pour se remonter le moral.

Au fil des saisons, de l’hiver à l’automne, Leslie retrace des petits moments anodins de son quotidien, des souvenirs qui lui viennent subitement à l’esprit et bien plus encore. Sur fond de papier sépia, elle relate une année de sa vie de façon très elliptique, passant régulièrement du coq à l’âne, ce qui risque d’en décontenancer certains. Les adeptes de teintes pastel seront comblés, Toutes mes nuits sans dormir étant un concentré de croquis minimalistes et dessins à l’aquarelle.

Toutes mes nuits sans dormir, de Leslie Stein, est paru le 30 août aux éditions Delcourt, (25,50 euros).

Never Go Home

Intitulé (We Can) Never Go Home en VO, ce volume inaugural attaque d’emblée par un portrait acerbe des lycées américains, où le mépris des autres et le bullying sont omniprésents. Marginaux assumés, Duncan et Madison sont irrémédiablement forcés de se rapprocher après que cette dernière a commis un acte irréparable. Tous deux détenteurs de super-pouvoirs à la X-Men, ils vont très vite partir en cavale, pourchassés par les autorités ainsi que par une étrange organisation qui n’est pas des plus bienveillantes.

Pourtant complètement détaché de l’écurie Marvel, ce comics sorti aux States en 2015 valide les critères nécessaires pour en faire partie. Ce premier opus ne lésine pas sur l’hémoglobine, ce qui devrait immanquablement ravir les adeptes de dessins trash et explicites. Très référencées, les pages de ce comics captivant sont influencées par un esprit assurément punk, voire grunge sur les bords. Cerise sur le gâteau : les auteurs n’ont pas hésité à glisser des playlists à écouter lors de la lecture des chapitres. Un lien Spotify est même carrément indiqué, conduisant à un cocktail musical détonnant saupoudré de morceaux des Ramones et des Clash, ainsi que de toute une flopée de groupes plus obscurs (dans tous les sens du terme).

Never Go Home, tome 1, de Matthew Rosenberg, Patrick Kindlon et Josh Hood, paraîtra le 13 septembre aux éditions Glénat Comics (15,95 euros).

Ces jours qui disparaissent

Œuvre fantasmagorique et enivrante, Ces jours qui disparaissent démarre avec un postulat de base pour le moins désarçonnant. Lubin est un vingtenaire enfantin dont le quotidien oscille entre son job dans un supermarché et sa passion pour le cirque. Mais soudainement, il commence à se réveiller chaque matin alors qu’une journée entière s’est déjà écoulée. Dormir plus de 24 heures est impensable, surtout lorsque d’étranges changements ont eu lieu. Lubin comprend alors qu’il ne vit qu’un jour sur deux, et que l’autre moitié du temps, son corps est contrôlé par un autre lui. Décontenancés, les deux Lubin entrent en contact par webcam interposée pour mettre les choses à plat, mais une chose est sûre : la cohabitation dans un seul et même corps risque de très vite déraper.

Trouble psychologique ou possession surnaturelle ? Voici l’une des nombreuses questions qui taraudent l’esprit du lecteur. On tient là un roman graphique qui prend son temps, posant toute une galerie de personnages périphériques aussi poignants que réalistes. L’intimité et le rapport au corps sont les thématiques au cœur de ce récit, sublimées par les dessins à l’influence nippone de Timothé Le Boucher. Passionné de cinéma, l’auteur francophone signe ici sa troisième publication et propose pour l’occasion une histoire bouleversante et imprévisible, que l’on rêverait de voir débarquer dans nos salles obscures. Un chef-d’œuvre en puissance.

Ces jours qui disparaissent, de Timothé Le Boucher, paraîtra le 13 septembre aux éditions Glénat (22,50 euros).

Density

Il suffit d’un voyage mouvementé dans le désert des États-Unis pour voir sa vie chamboulée. C’est du moins le cas de Chloé, jeune française obstinée, partie passer plusieurs jours avec son frère, sa sœur et une amie dans les alentours de Las Vegas. Alors que les filles voulaient faire une blague à Gilles, le frérot obsédé par les aliens, Chloé fait une rencontre du troisième type : une sorte d’extraterrestre difforme lui tire dessus avec un étrange pistolet, lui conférant ainsi un pouvoir inattendu qu’elle devra utiliser pour terrasser d’autres aliens venus conquérir la planète. Désormais, Chloé est capable de contrôler sa densité corporelle, et peut aussi bien léviter que rendre sa peau impénétrable.

Œuvre hybride, ce premier tome de Density allie une intrigue que l’on jurerait tirée d’un comics américain mainstream avec l’esthétique d’une bande dessinée classique française. L’alliance de ces deux aspects fonctionne bien, et on se laisse facilement embrigader par les mésaventures de Chloé. Incrédule d’abord, elle finit par prendre goût à ces pouvoirs inouïs, et nous avec elle. Plus un prologue qu’autre chose, ce volume pose les bases pour ce que l’on espère être une saga graphique déjantée.

Density, tome 1, de Lewis Trondheim, Stan & Vince et Walter, paraîtra le 13 septembre aux éditions Delcourt (15,50 euros).

Été

En couple depuis une durée indéterminée, Abel et Olivia établissent un pacte à l’approche de l’été. Pendant les mois qui vont suivre, les deux ne vont plus entrer en contact l’un avec l’autre et vont alors s’accorder une période de célibat supposément temporaire. Le but ? Explorer l’inexploré et s’ouvrir à un monde rempli de contingences, décimant les barrières sociales qu’ils avaient dressées jusqu’ici. Entre orgie libertine en Norvège, trip hallucinogène avec un chaman et rencontre impromptue avec un écrivain fétichiste des pieds, leur break estival ne sera pas de tout repos.

Proposée de façon inédite sur Instagram durant la saison estivale 2017, à raison de plusieurs images par jour, Été est le pari gagnant d’Arte. Il est désormais possible de (re)découvrir les péripéties de ce couple résolument moderne sur format papier. À la fois cocasse et profondément humaine, cette courte bande dessinée retrace avec brio les questionnements existentiels d’une génération. Été innove également par son mode de lecture, le récit étant un véritable palindrome et pouvant être lu du début à la fin, ou inversement. Plutôt astucieux.

Été, de Thomas Cadène, Joseph Safieddine, Camille Duvelleroy et Erwann Surcouf, paraîtra le 20 septembre aux éditions Delcourt (15,50 euros).

Manhattan Murmures

À la demande de son supérieur, Sam s’envole en direction de la Big Apple pour y résider pendant plusieurs mois. Durant ce séjour inattendu, ce reporter photo entreprend de se livrer à une expérience sociale surprenante : il ne communiquera avec personne. Un défi a priori difficile à relever dans une métropole aussi nerveuse et peuplée. Replié sur lui-même, il va saisir cette occasion pour aller de l’avant, après une tragique peine de cœur. Prenant une tonne de clichés par jour avec son reflex, Sam se rend vite compte d’un étrange détail : sur ses photos en noir et blanc, une silhouette féminine persiste à ressortir en couleurs.

Vous l’aurez compris de par l’exercice auquel se livre le personnage central, Manhattan Murmures comprend peu de dialogues. En revanche, les monologues internes sont légion et permettent d’offrir une vision à la fois poétique et déroutante de New York et ses habitants. Bien que le texte originel soit en italien, la traduction française est indéniablement efficace, proposant un phrasé soigné et percutant. Plus que tout, Manhattan Murmures est un récit langoureux sur un homme qui ne sait comment exprimer sa peine.

Manhattan Murmures, de Giacomo Bevilacqua, paraîtra le 27 septembre aux éditions Glénat (20 euros).

Slam

Pour des raisons bien à elles, Jennifer et Maise, deux vingtenaires provenant d’horizons différents, se retrouvent à auditionner pour rejoindre une team de roller derby 100 % féminine. Après quelques ratés çà et là et avoir accumulé les hématomes, les deux voient leur amitié naissante commencer à se fracturer au moment où elles intègrent des équipes rivales. Tiraillées entre le soutien qu’elles s’apportent et l’esprit de compétition, elles vont devoir mettre du leur si elles veulent rester proches.

Au-delà de son duo d’héroïnes, ce premier volume nous présente une petite galerie de bastonneuses à roulettes toutes aussi atypiques les unes que les autres. Plus qu’une introduction graphique au monde du roller derby, ce comics importé des US prend le temps de creuser plus en profondeur ses personnages via des flash-back intimistes. Slam est en outre sublimé par les dessins léchés et hypercolorés de Veronica Fish, à qui l’on doit les premières pages d’Archie − le comics ayant inspiré la série pour ados Riverdale. Attention, cela dit, Slam n’étant pas (encore) traduit en français, il ravira uniquement les anglophones.

Slam, tome 1, de Pamela Ribon, Veronica Fish et Brittany Peer, est paru le 7 septembre dernier aux éditions BOOM ! Studios (13,27 euros sur Amazon).