De Maxime Musqua à Booba : une journée ordinaire au Festival de Cannes

De Maxime Musqua à Booba : une journée ordinaire au Festival de Cannes

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French rap singer Booba attends the Canal+ TV show “Le Grand Journal” during the 64th Cannes Film Festival on May 14, 2011 in Cannes. AFP PHOTO / GUILLAUME BAPTISTE

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Par Gautier

Publié le

Au Festival de Cannes, les journées se suivent mais ne se ressemblent pas. De Maxime Musqua à Booba, on vous raconte, smartphone en main, une journée type.

10h – Sur le parking d’un célèbre village club de Cannes, on croise Jérôme Niel, le Mister “Tutos” de Canal+. Celui qui s’est fait connaître sur le net puis sur MTV est devenu, en une saison à peine, la nouvelle pépite humoristique du Grand Journal.
C’est donc logiquement qu’il est descendu sur la Croisette avec le reste de l’équipe. Et à l’écouter, l’appli Über et les VTC, c’est pas pour lui :

12h – Autour du Palais des Festivals, un spectacle improbable prend vie. Derrière cet étrange ballet, une véritable cour des miracles : fausses stars, vrais flics, acteurs en chair et en carton, palmiers, ex-candidates de télé-réalité et photographes agglutinés aux barrières des marches.
Au beau milieu de cette faune cannoise, il y a Nicole, 63 ans. Originaire de la Drôme, elle a pris l’habitude depuis trente ans de débarquer une semaine avant le début du Festival pour pouvoir placer son escabeau juste en face du red carpet. Cette année, cette fan inconditionnelle de Drive s’est déplacée pour Ryan Gosling :

A quelques mètres de là, Anne-Marie, 69 ans, attend la montée des marches avec Fun, son Pinscher nain (la chose étrange avec deux yeux qu’elle serre très fort contre elle) : “Parce qu’à deux, on est toujours plus patients que seul sur son échelle.”
14h – Toujours aux abords du Palais, on manque de se prendre les pieds dans un autre chien. Celui-ci est en ballons de baudruche. Et c’est l’œuvre d’un certain Joseph, alias Piopio le clown qui se définit plutôt comme un magicien-sculpteur de ballons :

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Après-midi : Charlie Chaplin, Adrien Brody et un mec du Texas

14h30 – Cette année pour le 67ème Festival de Cannes, c’est le mythique Marcello Mastroianni qui tient le haut de l’affiche. Mais c’est un autre monstre sacré du cinéma qui se balade sur la Croisette, à deux pas du Majestic : Charlie Chaplin.
Dominique de son vrai nom, 54 ans, sort chaque année le costume old-shcool, le chapeau melon et la canne pour faire revivre le mythe et son idole de toujours : “Charlot faisait du cinéma muet. Et pourtant il me parle, je l’entends, il est en moi.”

Sur un banc, en face de l’Hôtel, Jacques Fassart, un personnage qui se présente comme un violoncelliste connu dans le monde entier. Rencontre surréaliste, alors que le soleil chauffe tout ce qu’il touche.

15h30 – Dans le hall de l’hôtel JW Marriott, Plantu tape du pied, valise à la main. Il attend son taxi qui doit le mener à l’aéroport de Nice, pour rentrer à Paris. Avec onze autres dessinateurs de presse venus du monde entier, il est venu parler de son métier sur la Croisette.
Plantu est l’un des douze intervenants de “Caricaturistes, fantassins de la démocratie”, un documentaire de Stéphanie Valloatto salué par la critique à Cannes. L’occasion pour lui de livrer sa vision du Festival, une caricature en mots (mais sans crayon) :

16h – On retrouve la comédienne, auteure et humoriste Nora Hamzawi sur la plage du Miramar, à deux pas du plateau du Grand Journal (que l’on aperçoit en arrière-plan), où elle intervient comme chroniqueuse chaque soir. Elle nous confie qu’elle a croisé des gens un peu bizarres durant cette quinzaine.
16h45 – Retour aux abords du Palais des Festivals. À 17 heures, les passants sont chassés de la route menant au tapis rouge par la police. Michael, 44 ans, originaire d’Austin (Texas), nous avoue qu’il rêverait de gravir ces vingt-quatre marches recouvertes d’un tapis rouge qui mènent au grand théâtre Louis-Lumière du Palais des Festivals : “Ces marches incarnent le rêve et le glamour, la magie du cinéma.” Il en profite pour passer une dédicace perso à ses amis sudistes et se rêve le temps d’un instant en envoyé spécial de la Fox.

17h30 – On croise Adrien Brody dans une arrière-cuisine du Carlton. Le comédien (que l’on avait aperçu au début de l’année dans The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson) nous invite à venir prendre un verre avec l’équipe du film American Heist. L’acteur est venu présenter à Cannes ce remake de The Great St. Louis Bank Robbery, qui fît le succès de Steve McQueen en 1959.
Dans ce film, il partage l’affiche avec Akon. Le chanteur et producteur de R’n’B américano-sénégalais à la voix nasillarde revient sur son premier vrai rôle au cinéma et sur sa rencontre avec Russell Crowe, le héros de son film favori, Gladiator (le tout, sans Auto-Tune) :

Début de soirée : du Musqua et de la musique

18h – Cannes, c’est une jungle, ou plutôt un zoo. On y trouve aussi bien des vieux éléphants du 7ème art que des jeunes loups de la Ligue 1. Ainsi, après avoir croisé Ken Loach et les frères Dardenne à deux pas du Martinez, on tombe nez à nez avec les footballeurs Souleymane Diawara et Rod Fanni, tous deux internationaux et défenseurs de l’Olympique de Marseille.
La saison du championnat terminée et sans Coupe du Monde à l’horizon, on leur demande ce qu’ils viennent faire à Cannes. Le retour de Jean-Luc Godard sur la Croisette ? La conférence de presse du Saint Laurent de Bonello ? La projection d’un biopic sur la vie de Jean-Pierre Papin ? La raison est tout autre : “Showcase de Wiz Khalifa ce soir au VIP Room. Tu viens ?”
Ils sont alors rejoints par leur collègue André-Pierre Gignac et par Mamadou Niang (l’ancien buteur du club phocéen, âgé de 33 ans, qui aujourd’hui est en exil dans le club qatari d’Al-Sadd où il prépare sagement sa retraite).
18h30 – Dans le hall du Carlton, alors que président du Festival de Cannes, Gilles Jacob presse le pas pour emprunter l’ascenseur, un homme assez corpulent descend tranquillement les escaliers, d’un pas cette fois-ci lent et lourd. On reconnaît alors le jet-setteur Massimo Gargia. L’ex-fermier célèbre de TF1, 73 ans, arbore une belle mine (très orangée) et reste maître de son dilettantisme revendiqué, ne dérogeant en rien à ce qui ressemble chez lui à une règle d’or : ne rien faire.
L’occasion d’en apprendre plus sur un homme à la filmographie déjà bien fournie (deux participations à Sous le Soleil, le feuilleton tropézien de TF1 et une apparition en lord anglais sur France 2 en 2005 dans le téléfilm Milady de Josée Dayan). L’ancien playboy italien en profite également pour nous livrer sa vision de Cannes :

19h – Sur la plage du Gray d’Albion, Michael Lonsdale, 83 ans, véritable légende du cinéma, qui vient à Cannes depuis près de soixante ans, nous raconte ses souvenirs de Festival avec Orson Welles. Nekfeu, quant à lui, nous délivre sa technique de fraude sur le train Paris-Cannes pour rejoindre le Festival avec ses potes de l’Entourage (dont l’album Jeunes Entrepreneurs est sorti le 26 mai dernier). On croise également Chalotte Gainsbourg, présente à Cannes pour défendre L’incomprise de sa partenaire de jeu et réalisatrice Asia Agrento.
La musique s’arrête d’un coup. Le type derrière les platines semble pressé. Il éteint son Mac et s’active à ranger ses disques. Pour DJ Uncle Jim’s (c’est son nom, si, vraiment), la soirée ne fait pourtant que commencer :

20h30 – La nuit tombe doucement. Maxime Musqua est à Cannes également. On le rejoint sur le Vieux Port. Il n’est pas missionné par Yann Barthès pour relever un “Défi Musqua” mais s’apprête à filer au concert d’Orelsan et Gringe, entre deux photos de fans volées.
On prend quant à nous la direction de la Boulangerie Bleue (le bar-club éphémère de Grey Goose pour la quinzaine), nichée au cœur des jardins du Grand Hôtel.

21h – Le show commence comme un live intimiste, devant une poignée de privilégiés pour devenir très vite un concert électrique avec une HollySiz particulièrement déchaînée. Après être grimpée sur le comptoir et avoir tâté du pole dance, la bombe platine sort sa caméra GoPro et demande à l’assistance de se baisser.
Sur notre gauche, Julie Gayet cède aussi aux ordres de sa copine Cécile Cassel. S’assurant que tout le monde est bien au sol, du caméraman de BFM TV à l’agent de sécu à l’entrée, elle termine avec le tube “Come Back to Me” et demande à la salle de se baisser pour mieux sauter :

21h40 – A la fin du concert, on surprend le chanteur Medi, reconnaissable avec son style hippie chic. Entre le pain complet et la vodka, l’ex-batteur de Charlie Winston a fait son choix.

La nuit : “Qu’est-ce qu’on a fait à Booba ?”

22h30 – Il est temps de prendre le large depuis le Vieux Port de Cannes. Dans la navette qui rejoint la Villa Schweppes (la marque de soft drinks a pris ses quartiers sur un rutilant cinq-mâts qui illumine la baie cannoise), Booba est au centre des conversations. On se croirait presque dans le générique de Fort Boyard (le plan, aérien, présente les candidats fonçant vers le fort sur un Zodiac), les t-shirts Ünkut (la marque de vêtements du rappeur) en plus.
Fraîchement débarqués sur le paquebot sur-bondé, les festivaliers s’amassent peu à peu autour du bar et de la piscine, ambiance pool party. Après avoir révélé son nouveau titre “OKLM” sur le plateau du Grand Journal de Canal+ et donné un petit concert au VIP Room la veille, on apprend que Booba a débarqué en hélicoptère sur le voilier un peu plus tôt dans la soirée. Quelques jours auparavant, c’est Sébastien Tellier (avec qui nous avions parlé de L’Aventura sur Konbini) qui avait ouvert les festivités.
Veste en cuir, lunettes noires et casquette blanche retournée, le mastodonte du rap français finit par apparaître face un public de fans enjoués :

23h30 – Une demi-heure plus tard, le duc de Boulogne tire sa révérence et laisse place à Kavinsky. Le trendsetter des soirées parisiennes (et cannoises) se lance dans un set puissant devant une foule enthousiaste.
00h30 – Alors que la Croisière continue de s’amuser, on reprend une navette pour regagner la terre ferme. Après un court passage par le Silencio (au dernier étage d’un ancien casino), on file sur la plage du Mandala où l’équipe du film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? est venue fêter son succès et ses 7 millions de spectateurs en salles (la barre des 8 millions est dépassée à ce jour).
Très loin des soirées guindées habituelles, la bonne humeur contagieuse de la troupe de comédiens transforme l’évènement concocté par UGC en une boum géante. On croit apercevoir à un moment François Hollande, une vodka-pomme à la main, danser sur “Tonton du bled” de 113. Mais c’est seulement le comédien Patrick Braoudé (son sosie quasi officiel) qui s’amuse sur la piste. L’ambiance, assurée par le quator Ary Abittan, Medi Sadoun, Frédéric Chau et Noom Diawara, est détendue et festive :

2h – Sur le toit du JW Marriott, le Club Costes d’Albane Cléret accueille comme chaque soir une grande partie du cinéma français et international. Michel Hazanavicius, en compétition officielle avec The Search, est de la fête avec Bérénice Béjo et l’équipe de son film. Derrière Thomas Langmann, on reconnaît un accent chantant, une voix familière que connaissent tous les téléspectateurs du dimanche soir sur Canal+ : celle de l’ancien champion du monde et désormais consultant foot Christophe Dugarry.
Un peu plus tard dans la soirée, nous voilà assis dans un sofa face à Pablo Trapero, cinéaste argentin et président du jury “Un certain regard”. Son voisin de droite se lève et vient se mêler à notre discussion, essayant de caler quelques petits mots maladroits dans une langue qui n’est pas la sienne. L’homme qui s’exprime dans un français approximatif est américain. Et ce n’est autre que Quentin Tarantino.
Le DJ (Cut Killer) lance alors “Ça (C’est vraiment toi)” de Téléphone. À notre grande surprise, une lueur apparaît dans les yeux du réalisateur américain lorsqu’il entend le premier “Quelque chose en toi ne tourne pas rond”. Le réalisateur commence à se déhancher subitement et nous demande de lui apprendre les paroles écrites par Jean-Louis Aubert. Le voilà alors debout, sautant sur un canapé en criant : “Un je ne sais quoi qui me laisse con…”. La scène qui se déroule sous nos yeux est à l’image de nombreuses scènes de ses films : surréaliste.
3h30 – En descendant les escaliers, on surprend Tomer Sisley avec un énorme carton sous le bras.

4h – La soirée touche à sa fin. Et la journée s’achève. En moins de vingt-heures, on a croisé un clown, un Pinscher nain, des sosies (plus ou moins ressemblants), un texan afro-américain passionné de cinéma francais, des rangées de marchepieds pleines de retraitées, André-Pierre Gignac, un DJ avec une crête de 30 centimètres sur la tête, un Adrien Brody pote avec Akon, un concert avec des gens accroupis par terre, un Quentin Tarantino qui se découvre fan de Téléphone…
À Cannes, une journée type n’existe pas.