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Rencontre : Benash, le petit soldat devenu “Chef de guerre”

Rencontre : Benash, le petit soldat devenu “Chef de guerre”

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Par Marjorie Raynaud

Publié le

Du groupe 40 000 Gang au featuring avec Booba sur “Validée”, Benash avait déjà fait de grands pas. Aujourd’hui, l’artiste enclenche la vitesse supérieure et sort son premier album solo CDG. Benash lève la casquette et se confie sur son attachement à Booba, son tempérament bagarreur et son enfance dans les ghettos.  

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Du travail, de la patience et une pointe de perfectionnisme. C’est de cette façon que Benash décrit son premier album solo CDG. C’est autour d’un jus de citron à la brasserie Les cascades dans le 12e arrondissement que nous retrouvons le petit protégé de Booba. Il arrive, portant un T-shirt kaki Ünkut à l’effigie de celui qu’il appelle “grand frère”, mais aussi créateur de la marque. Démarche assurée, il prend place sur la chaise, ajuste sa casquette pour masquer la fatigue qui cerne ses yeux et se dit prêt à débuter l’interview.

Un an, c’est le temps qu’il a mis avant de pouvoir sortir Chef de guerre. Ce nom, il le dédie à son histoire, mais aussi à sa personnalité “bagarreuse”. “Je suis un peu un casse-cou, je suis le premier à foncer dans le tas quand il y a une embrouille”, explique-t-il. Un tempérament volcanique mais aussi une volonté d’acier à devenir quelqu’un dans le rap game. Benash a été repéré dans “Validée”, en featuring avec Booba comptabilisant plus de 18 millions de vues sur YouTube. Un titre aux sonorités zouk et afro racontant une séparation amoureuse sur fond de trafic de stupéfiants. Ce titre partait d’un délire qu’on s’était tapé avec Booba, on comptait le sortir avec un clip mais le morceau a fuité”, se réjouit-il. Si ce son a permis à l’artiste de se faire un nom, il a aussi ouvert une place à l’afro dans le monde de la musique. Refusé sur les radios pour ses couplets jugés trop hardcore, le morceau “Validée” a offert aux deux rappeurs une visibilité radiophonique.

Seulement, depuis, silence radio pour Benash. Si l’artiste a mis autant de temps à revenir sur la scène musicale, c’est parce qu’il n’était pas prêt : Je ne voulais pas lâcher quelque chose de bâclé ou qui ne me correspondait pas, alors je me suis cherché dans plusieurs styles.”

Parti pour un album axé sur un rap de textes, il a finalement pris goût à l’afro-trap dans lequel il se retrouve parfaitement. Pour s’inspirer, il dit écouter beaucoup le travail de Lil Uzi Vert, Kodak Black mais revient toujours à ses premiers penchants : En ce moment j’écoute en boucle Wizkid, Davido, Tekno Miles. Ce sont des artistes entraînants.”

Jalousie et coups bas à l’origine de la séparation du 40 000 Gang

S’il était dans l’ombre avant “Validée”, l’artiste commençait pourtant à faire ses armes. Il officiait au sein du groupe 40 000 autrefois appelé Soldat Des Hauts De Seine Family réunissant des amis d’enfance rencontrés à Boulogne-Billancourt. Parmi les membres on comptait Vesti, Elh-Kmer, Braki, Alox, Darki et lui-même. Booba signe le groupe dans le 92i et fait entre autres un feat avec le Gang sur “Vrai”, mais en 2015 tout bascule. Le duc de Boulogne commence à unfollow (arrêter de suivre) certains membres sur les réseaux sociaux et la rumeur d’une séparation se transforme en information confirmée. Benash s’explique quant à cette rupture :

“Le gros déclic a été juste après ‘Validée’. Je pense qu’il y avait un peu de jalousie de leur part, mais il y a eu également des retournements de vestes.”

“J’ai clairement dû faire des choix. Je devais avancer avec des gens qui me permettraient de le faire”, renchérit-il, la lèvre pincée, dissimulant un brin de culpabilité.

Depuis, Darki a rejoint le 92i, aux côtés de Damso, Shay, Siboy, Kalash, Gato et Booba. Quant aux restes des membres de l’ancien groupe 40 000, Benash ne veut pas en entendre parler mais ne leur souhaite pas de mal pour autant.

De soldat, Benash passe alors à “Chef de guerre”. Dans son titre “CDG” qui comptabilise déjà plus de 800 000 vues, l’artiste ne cache pas son ambition clamant à voix haute “pas de limite pour l’appât du gain”. Il annonce également sa volonté de s’éloigner du ghetto et de partir loin : Je quitte le ghetto car il n’y a plus rien à gratter.”

“Booba ne fait pas parti du clip de ‘Ghetto’ car il m’a laissé raconter mon histoire”

Lorsqu’il parle de quartier, il fait référence aux blocs de “Boulbi” où il a dû se forger malgré les épreuves. Pourtant, dans “Ghetto” en feat avec Booba, l’artiste retourne à Douala, où il est né, il y a 22 ans de cela. Beaucoup s’attristent de ne pas voir Booba dans le clip.

“Il n’est pas venu car quand je suis parti tourner il était en période de showcase mais la vraie raison c’est parce que Douala c’est mon histoire et il m’a laissé m’exprimer à ce sujet”, confie-t-il, abordant un sujet sensible. L’atmosphère légère d’il y a deux minutes devient un peu plus pesante. Parti du pays à l’âge de 6 ou 7 ans, Benash, de son vrai nom Simon, a vu des choses qu’un enfant n’aurait pas dû voir.

Comme beaucoup d’expatriés, la France est souvent synonyme d’école de la deuxième chance. Alors encore petit bout de chou, Benash, sa maman, ses quatre frères et sa sœur débarquent en France, à Boulogne dans le 92. Mon père est resté au pays car il avait des affaires à gérer là-bas, du coup j’ai grandi sans lui”, déclare-t-il.

Souvenirs du Cameroun

“Que ce soit au Cameroun ou en France, dans le quartier il n’y a qu’une seule loi, c’est celle du plus fort. Et il n’y a pas de place pour les faibles”, ajoute-t-il, avec un petit air conquérant. Réputé pour son gimmick fight fight” qu’il fredonne dans la plupart de ses couplets, Benash fait référence à une certaine conflictualité qui l’emprisonne depuis toujours.

Si le petit garçon devenu guerrier a vécu des choses difficiles au Cameroun, il se remémore pourtant un joli souvenir : “J’étais gamin, et je me rappelle qu’un jour mes parents m’ont offert un vélo. Pour les gens d’ici ce n’est rien, mais pour nous, gamins, c’était énorme. Tout le monde n’avait pas cette chance.”

Fier de ses origines, Benash rend hommage au Cameroun avec son titre “237”. Il essaye de s’y rendre le plus souvent possible pour retrouver son père, toujours là-bas, ainsi que ses grands-parents. Les Camerounais sont tellement entiers. Ils m’ont accueilli les bras ouverts quand j’y suis allé pour tourner ‘Ghetto’. Ils sont heureux que quelqu’un de chez eux réussisse et je leur rendrai”, confie-t-il avec une petite lueur dans les yeux.

Arrivé à Boulogne, sa mère pensait lui offrir une vie plus paisible mais ce n’était visiblement pas son destin. “C’est toujours pareil dans les cités, quand un nouveau mec vient d’arriver, on veut le maîtriser mais moi je leur ai montré direct la couleur”, lâche Benash.

Du bled au quartier, beaucoup de gens ont déjà connu ou connaissent cette situation. L’artiste se veut de bon conseil et recommande aux jeunes de ne rien lâcher et de travailler car c’est la seule chose qui paye”. Il avoue toutefois qu’il n’aurait peut-être pas eu cette philosophie si la musique n’était pas entrée dans sa vie. J’étais parti sur une carrière dans le foot à la base mais maintenant que j’ai trouvé ma passion je ne me vois pas faire autre chose”, admet-t-il.

Une passion qui transpire dans CDG, où on le retrouve avec plusieurs membres du 92i dont Dark-i, Siboy et avec Damso et Shay sur “Ivre”. Si Kalash et Gato n’ont pas pu faire parti de l’opus par manque de temps, Benash ne cache pas sa volonté de sortir un projet réunissant tout le 92i. Benash se dit fier de faire partie de ce groupe, mais surtout d’être épaulé par Booba, qui le considère comme son “petit”. Si l’artiste se dit indépendant, il fait écouter tous ses titres au Duc pour puiser dans cette entité du rap français de précieux conseils.

L’album CDG (92i/Capitol) est sorti le 31 mars 2017.