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Puzzle : le Festival de Deauville a dégainé sa pépite sensible

Puzzle : le Festival de Deauville a dégainé sa pépite sensible

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

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La phase introductive de Puzzle, second long-métrage de Marc Turtletaub (producteur de Little Miss Sunshine, Away We Go ou Loving), dresse instantanément, grâce à une précision du cadre et à l’interprétation saisissante de Kelly Macdonald, le portrait d’une mère au foyer cadenassée dans ses habitudes. Lesquelles donnent l’impression, à elle comme au spectateur, d’un emprisonnement dans une boucle temporelle où tout serait terne et translucide, sans relief. À l’image de la banlieue new-yorkaise, sans caractère, dans laquelle elle vit. La Grosse Pomme est pourtant si proche, juste là, prête à être croquée, et en même temps si loin d’une vie circonscrite à des renoncements, des sacrifices et à un pernicieux oubli de soi qu’aucun membre de son entourage, ou presque, ne semble vouloir/pouvoir saisir.

Kelly Macdonald, impériale

Comme son titre l’indique, ce drame indé – non daté pour sa sortie française – s’articule sur la métaphore du puzzle. Ou comment réunir les pièces de sa propre existence pour lui donner un sens, un cap et une plénitude. C’est en tout cas dans cette activité de loisir qu’Agnès va trouver une forme de panacée, surtout quand elle décide de se rendre à New York où un (richissime) fan de puzzle, incarné par Irrfan Khan, la convainc de participer en duo à un tournoi international. Le but ? Rassembler 1 000 pièces en un temps record.
Bien plus qu’un simple délassement, cette perspective réveille en elle un feu sacré, la conduisant bientôt à relever la tête et à épouser ses propres désirs, longtemps enfouis sous des montagnes de vaisselle et de linge, de courses et de tous ces autres diktats de desperate housewive. La caméra de Marc Turtletaub accompagne cette héroïne dans son nouveau souffle avec une douceur et une pudeur infinies. La simplicité de sa mise en scène et la sensibilité qui en émerge rappellent le cinéma d’Ira Sachs, notamment dans sa capacité à suggérer plutôt qu’à démontrer.
Là, rien n’est manichéen ou trop trivial. Bien que le mari d’Agnès ne fasse plus attention à sa femme, trop soucieux des repas qu’elle concocte pour sa bedaine grandissante, il n’est jamais pointé du doigt. Son égoïsme, qu’il ne perçoit jamais, ne le discrédite pas ; car dans le même temps, il se bat pour ne pas ressembler à ce père autocratique dont il a les gênes en partage. Puzzle prend le temps de soigner les non-dits, les grands gestes anodins, les silences qui en disent long.
Pièce par pièce, la trame entrelace l’humour et la noirceur, la douleur et l’espoir, dans une symphonie limpide et universelle qui trouve une caisse de résonance folle sous les traits de l’actrice Kelly Macdonald (Trainspotting, No Country for Old Man), d’un charisme et d’une justesse de jeu implacable. Le public deauvillais a copieusement applaudi le film à l’issue d’une projection de rires… et de larmes. D’ailleurs, celles de Marc Turtletaub ont abondamment coulé sur le coup de l’émotion. La boucle est bouclée. Rendez-vous au palmarès ce dimanche !