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Vince Staples, l’étoile sombre du rap game

Vince Staples, l’étoile sombre du rap game

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Par Maxime Retailleau

Publié le

Konbini s’est entretenu avec Vince Staples, ancien gangster et étoile montante du rap game qui vient de sortir son premier album : Summertime ’06. Dedans, il porte un regard désabusé sur le ghetto d’où il vient.

Crédits gif : ANASTASIO Gaïa pour Konbini

I ain’t never ran from nothin’ but the police” (“Je n’ai jamais rien fui d’autre que la police”) scandait le rappeur Vince Staples tout en électrisant son public avec son énergie fougueuse, lors d’un concert donné à la Bellevilloise au début du mois de juillet. Et l’ancien gangster du ghetto de Northside Long Beach, près de Los Angeles, sait de quoi il parle…
C’est d’ailleurs ce qui lui permet de se distinguer, et même de briller au sein d’une planète rap de plus en plus stéréotypée. Car le jeune homme de 23 ans sait d’expérience ce qu’est la vie de criminel ; il a fait face à la brutalité et la dureté qui lui sont inhérentes.
Dans les paroles de son premier album Summertime ’06, il ne parle pas prostituées, coke, et liasses de billets, mais prison, mort, et désespoir. Il se place donc à l’opposé de ces rappeurs bling-bling produits à la chaîne par l’industrie musicale américaine, qui glamourisent naïvement le mode de vie des gangsters tout en prônant un hédonisme caricatural. 
Comme pour enfoncer le clou de sa singularité, le jeune rappeur explique d’ailleurs en interview qu’il n’a jamais bu une goutte d’alcool de sa vie, et jamais fumé de weed non plus. C’est qu’il n’a pas envie de perdre le contrôle. “C’est juste pas ma came“, nous explique-t-il. 

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Évidement, tu ne peux pas créer des morceaux à propos de quelque chose que tu ne connais pas du tout… Mais le plus important c’est l’esprit qui se dégage de l’album.

Du dilettante au rappeur confirmé

Alors qu’il entame l’équivalent américain de la classe de troisième, Vince Staples doit déménager :

J’ai bougé à Atlanta quand j’ai eu des problèmes dont ma mère essayait de m’éloigner. J’y suis resté environ huit mois.

De retour à Long Beach, il se fait virer de son lycée, et parfois même de chez lui. Il finit pourtant par abandonner toute activité criminelle. Mais pas au profit du rap. Ou du moins, pas déjà. C’est qu’il n’éprouve toujours pas d’attrait particulier pour la musique, malgré plusieurs proches dont c’est la passion . “J’étais juste autour de gens qui faisaient de la musique, parce qu’ils vivaient dans la même rue“, explique-t-il.
Pourtant, son destin se profile sans qu’il ne s’en rende compte. Un jour, son pote Dijon “LaVish” lui propose de l’accompagner à L.A, où il a prévu d’enregistrer un morceau avec Syd Tha Kid, l’une des productrices du crew Odd Future. Vince s’entend bien avec elle, et rencontre rapidement les autres membres de la team, notamment Mike G et Earl Sweatshirt.
Ensuite, tout s’enchaîne. Lui qui n’a encore jamais envisagé de devenir rappeur accepte maintenant d’accompagner ses acolytes tandis qu’ils rappent. Puis il finit par se prendre au jeu, et signe sa première mixtape intitulée Shyne Coldchain Vol. 1 en 2011. Alors qu’il ne savait pas quoi faire de sa vie jusqu’alors, l’idée de se lancer sérieusement dans le rap et de tenter de faire carrière dans la musique lui traverse maintenant l’esprit. Sortiront d’ailleurs trois autres mixtapes : Winter in Prague, Stolen Youth, et Shyne Coldchain Vol. 2, principalement produite par No I.D. – l’un des mentors de Kanye West.

En parallèle, il enchaîne les featurings sur l’album Doris (2013) d’Earl Sweatshirt : on le retrouve ainsi sur les morceaux “Burgundy”, “Centurion”, et “Hive”. Aussi, il accompagne différents rappeurs en tournée, que ce soit Mac Miller lors de son World on Space Migration Tour en 2013, ou encore Schoolboy Q l’année suivante.
Mais il lui faut attendre son premier EP, Hell Can Wait, pour que sa carrière décolle. Ses morceaux, tels que “Hands Up”, ou encore “Blue Suede”, sont traversés par une noirceur très prononcée qui rappelle les tracks d’Earl Sweatshirt, mais dans lesquels infuse aussi une violence sourde qui leur confère une tension étouffante. Puis, sort l’inquiétant “Señorita”, issu de son premier album Summertime ’06, qui confirme le talent du jeune rappeur.

Vince Staples impressionne avec son univers brutal, direct et sombre, et ça paye : le magazine XXL, grande référence dans le rap game outre-Atlantique, le fait figurer dans sa cuvée de Freshmen 2015, aux côté de Fetty Wap, Goldlink, Tink ou encore OG Maco.
Le 30 juin dernier, Summertime ’06, qui comprend à nouveau de nombreuses prods de No I.D., sort chez Def Jam. L’album est loué par la critique, notamment par Pitchfork qui lui accole le label de “Best New Music”, et XXL à nouveau.
Une belle carrière s’annonce donc pour Vince Staples, qui ne compte pourtant pas rapper éternellement : la musique a pris une place importante dans sa vie, mais restera toujours secondaire à ses yeux. Selon lui :

Aucun gamin n’écoutera un rappeur de 40 ans. Et d’ici là, tu devrais avoir fait ce que tu avais à faire. Utiliser ta voix et ta notoriété pour faire d’autres choses. J’ai le sentiment que d’ici là, je devrais avoir atteint une transition et trouvé un autre moyen d’aider les gens.

Propos recueillis avec Arthur Cios.