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On a discuté avec le patron du “rap post-soviétique”, l’Estonien Tommy Cash

On a discuté avec le patron du “rap post-soviétique”, l’Estonien Tommy Cash

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L’Homme vagin, ou le meilleur plan du clip de “Winaloto”

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Par Arthur Cios

Publié le

Tommy Cash a sorti l’une des vidéos les plus WTF de l’année avec le clip de “Winaloto”, on a donc cherché à en savoir plus sur ce personnage un peu à part.

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Avec le clip de “Winaloto”, Tommy Cash a fait pas mal de bruit dans les médias. Des fonds beiges, tout un tas de personnes en sous-vêtement, des bribes de chorégraphies, du rap à la Die Antwoord, une fine moustache sur un visage arrondi, un flow étrange et assez entraînant, des montages surréalistes, des sœurs siamoises et un visage à la place d’un sexe féminin : il ne nous en fallait pas beaucoup plus pour que l’on s’intéresse au personnage.

Tout droit sorti d’Estonie, ce jeune rappeur n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Il y a plus d’un an, il sortait le clip de “Prorapsuperstar“, qui était déjà un sacré délire visuel. C’est peu dire que le bonhomme intrigue, et “Winaloto” en rajoute une sacrée couche. Or, à part un portrait par Noisey, on ne retrouve quasiment rien sur lui sur le grand Internet.

Nous avons donc contacté l’intéressé sur Facebook, afin de pouvoir lui proposer une rapide interview par mail, où il est question de sa jeunesse, de ce clip, et de l’influence qu’a eu sur lui son éducation en Estonie juste après la chute de l’URSS.

Konbini | Premièrement, comment as-tu commencé la musique ? Est-ce que la danse t’a beaucoup influencé à ce niveau-là ?

Tommy Cash | Je pense qu’être un danseur, mais aussi un street artist m’a donné une base dont j’avais besoin pour devenir ce que je suis. Ça m’a donné en partie le temps d’en apprendre plus sur moi-même et sur comment créer. En toute logique, la musique a été l’étape suivante. J’avais assez évolué pour être prêt, puis Tommy Cash est né.

Tu parles, dans une interview avec Noisey, de ton amour pour Graduation de Kanye West. S’agit-il de l’album qui t’a donné envie de rapper ?

Je pense que The Eminem Show a eu un plus grand impact. C’est la première cassette de hip-hop que j’ai eue quand j’étais jeune. À l’époque, il n’y avait pas Internet, donc je recopiais les paroles moi-même. Je me souviens d’aller à l’école, de l’écouter sur mon Walkman et de m’imaginer jouer dans un stade.

On te compare assez facilement avec Die Antwoord, est-ce correct selon toi ? Quelles sont tes plus grandes influences ?

Je pense que les gens me comparent à eux parce qu’il s’agit du groupe le plus bizarre et dérangeant actuellement. Et peut-être qu’ils voient des similarités dans notre étrangeté. Je pense qu’actuellement, on ne peut que me comparer à eux, et à personne d’autre. Après, il y a beaucoup de personnes qui ont participé à qui je suis actuellement. Marilyn Manson, Eminem, Aphex Twin, Missy Elliott, le Busta Rhymes de l’époque, Jimi Hendrix… La liste est longue.

Raconte-nous un peu l’histoire de ce morceau, “Winaloto”.

Je m’en souviens parfaitement. Je l’ai fait en 30 minutes, il y a un an pile. Je me souviens d’avoir dit à ma copine que je voulais créer un morceau dont la vibe serait d’un autre niveau, quelque chose d’explosif. Et quelques jours plus tard, ça s’est produit. Boom.

Et pour le clip ? Quelle était ton implication ?

L’idée de ce concept m’est venue à Paris alors que j’allais au Louvre. Le morceau était fini depuis presque un an déjà, mais on a galéré pour trouver les bons visuels pour celui-là, sachant que je ne sors jamais rien tant que je n’ai pas une identité visuelle bien définie pour le morceau. J’ai envie que les gens voient ce que je ressens … Ça a été fait avec beaucoup d’amour et d’attention.

Tout a commencé avec ma copine. Elle s’est occupée de toute la production et de la partie artistique tandis que j’écrivais le script. Je me souviens d’avoir appelé des compagnies d’effets spéciaux pour essayer de les ramener sur le projet de “Winaloto” et d’avoir fait des présentations pour exposer mes idées. La réalisation de cette vidéo a été définitivement l’une des plus difficiles de ma carrière, mais probablement l’expérience dont je suis le plus fier.

Quels sont tes projets actuellement ?

Finir mon album, et me préparer pour ma tournée en Russie, puis en Europe.

Peut-être une question plus difficile : dans quelle mesure le fait d’avoir grandi dans une Estonie post-URSS a eu une influence sur ta musique, ton style ou, de manière générale, sur toi ?

J’appelle ma musique du rap post-soviétique parce que j’ai justement grandi dans cette ère post-soviétique. Du jogging complet Adidas aux blocs d’appartements, sans oublier la pauvreté. On n’avait rien, vraiment. On commence enfin à faire quelque chose de ce rien.

Évidemment, je suis influencé par l’endroit dans lequel j’ai grandi, et de manière plus générale,  par la classe moyenne d’Europe de l’Est. Je viens d’un petit pays appelé l’Estonie, que pas mal de gens associent à la Russie — ce qui n’est pas le cas. J’ai évolué à une époque où, en réalité, la culture qui venait plutôt de l’Ouest commençait à se mélanger à tout ce truc soviétique qui était encore là. Bordel, je me souviens de l’excitation quand on a eu notre premier McDo, quand j’étais plus jeune. Mon premier cheeseburger. Aller au McDo était un moment festif pour nous, on n’en avait qu’un dans notre ville.

Question finale, juste par curiosité, qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

J’adore FKA twigs, j’aimerais  beaucoup travailler avec elle. On pourrait danser ensemble, voire faire une battle amicale ou traîner ensemble. J’aime Arca aussi. Et bien sûr la grime. Ça me donne envie de me rebeller contre tout. Quand on voit le chemin de Skepta, les choses qu’il a endurées et là où il est actuellement,  je me dis que je vais y arriver et que tout est possible.