Mark Ronson : “Je suis un junkie de pop-culture”

Mark Ronson : “Je suis un junkie de pop-culture”

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Par Théo Chapuis

Publié le

En Suède, des clubs bannissent l’alcool de leurs soirées

Coup de tonnerre sur la planète clubbing quand on apprenait tout début janvier que des clubs suédois comptaient passer au sans alcool pour que la fête soit, euh, vous savez la suite hein. À la place, toutes sortes de mocktails – cocktails sans alcool – sont proposés, de subtils mélanges de citron vert, menthe fraîche, gingembre… Mark Ronson aimerait-il se produire dans un tel endroit ?

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J’imagine que jouer dans ces clubs, ça doit ressembler à quand tu joues dans un festival à 5 heures de l’après-midi, quand la plupart du public est encore plutôt nette. Dans Annie Hall, Woody Allen dit que provoquer le rire chez quelqu’un qui est stone n’est pas tellement gratifiant. D’une certaine manière, ça s’applique à la musique.
Bien sûr, quand les gens sont défoncés c’est amusant de faire le DJ et il y a une super énergie. Les deux sont bien, chacun à sa façon. C’est un concept intéressant. J’aime jouer pour qui que ce soit qui aime la musique, peu importe que les auditeurs soient défoncés, bourrés ou à jeun. Pour avoir l’expérience de la scène, ça a peu d’importance pour moi.

Une invention pour freiner la frénésie des smartphones en concert

Ils sont décidément partout. Alors que plusieurs inventions, plus ou moins convaincantes, voient le jour afin de faire face à l’omniprésence des smartphones en concert, on a demandé à Mark Ronson quelle était sa réaction face à la prolifération toujours plus angoissante de ces petits accessoires de la vie connectée dans les concerts ?

Ce n’est pas vraiment cool d’être sur scène et d’avoir devant soi une foule de petits écrans qui te scrutent. Mais je reconnais que les gens veulent simplement enregistrer un souvenir. Je suis allé à un concert de Bruno Mars et évidemment, ses fans sont surtout de jeunes, ils avaient tous leur téléphone à la main.
Alors il a dit “Je vais jouer le meilleur concert pour vous les gars, mouiller la chemise et tout lâcher sur scène, mais je ne vous demanderai qu’une chose : coupez vos téléphones et profitez”. Et bien sûr, ils l’ont fait. Je crois même qu’ils ont dû préférer comme ça. À quoi ça sert de regarder un spectacle à travers un écran ? Tu pourrais tout aussi bien ne pas t’y rendre…
Personnellement, je préfère jouer pour les gens qui regardent. J’imagine que c’est un phénomène qui se produit par vagues. Tiens, pour certaines raisons, l’année dernière était la plus grosse en terme de ventes de vinyls depuis des années. Les gens se sont entourés de technologie, mais au bout d’un moment il leur manque la connexion humaine et ils y reviennent. C’est par là qu’on va.

L’intimité amoureuse à travers l’objectif de Maud Chalard

Les clichés de Maud Chalard montrent des couples enlacés, des étreintes dénudées et l’amour par le prisme d’une photographe de notre génération. Elle n’a pas connu les années hippies, mais son boulot est quand même très peace & love. Mark les commente :

Ces photos me semblent pleines d’amour. Elles sont douces. Ce n’est pas tout à fait évident pour moi de m’approprier le concept, peut-être parce que j’ai un âge où je n’ai pas connu l’avènement de la drague par Internet ou de trucs comme Tinder ou Pornhub. Je crois qu’il y a vraiment une désensibilisation de cette génération. De la même manière que les jeux vidéos désensibilisent les gens à la violence.
Mais elles sont très douces, ces photos. Ça me fait penser à l’amour, à tomber amoureux, ce sentiment que tu ressens alors profondément dans tes tripes. Ça, l’amour, [peu importe Tinder et Pornhub], c’est là pour toujours.

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Un extrait photo des intimités amoureuses photographiées par Maud Chalard (Crédits image : Maud Chalard)

La télévision, Netflix et Black Mirror

Mark se décrit lui-même comme un addict à la pop-culture. Après avoir admis s’être shooté à pas mal de séries télévisées ces temps-ci, il en recommande certaines :

Franchement, j’ai regardé quasiment toutes les séries qui ont du succès en ce moment. House Of Cards est sans doute l’une des rares que je n’ai pas vues. Breaking Bad, Mad Men et Orange Is The New Black sont toutes très bonnes. Il y a aussi une série sur Amazon appelée Transparent.
Jason Schwartzman fait aussi une nouvelle série appelée Mozart In The Jungle, c’est sur Amazon aussi et c’est vraiment taré. Il n’y a rien de plus gratifiant que de regarder un bon programme. Je suis un junkie de pop-culture. Il y a cette série britannique appelée Black Mirror, ça c’est phénoménal.
Si tout le monde se met à parler ou à écrire à propos d’un truc, je dois le voir au moins une fois. J’ai grandi à New York, alors je regarde le Saturday Night Live chaque semaine sans faute.

Les Oscars et les musiques de film

Avec les récentes nominations aux Oscars, il était inconcevable de ne pas demander à Mark Ronson quels étaient ses compositeurs préférés et quels films méritent, pour lui, d’être vus les oreilles grandes ouvertes. Parmi ceux qui trouvent grâce à ses yeux, on retrouve avec plaisir un de nos chouchous, le Français Alexandre Desplat.

Évidemment, parmi mes compositeurs de musiques de film favoris se trouvent John Barry, Quincy Jones ou Michel Legrand. Aujourd’hui, il y a Alexandre Desplat. Fargo, The Queen, Birth… ces films ont des bandes-son exceptionnelles. Desplat est un compositeur fantastique. Sinon, parmi les films que j’ai vus récemment, j’ai adoré la bande-son originale de Foxcatcher.

Le déclin de la folie de la vie nocturne à Londres

Selon nos confrères britanniques de Konbini UK, de nombreux lieux célèbres de la vie nocturne londonienne comme la Fabric ou le Plastic People sont menacés. Que pense un musicien britannique, acteur lui aussi de ce genre de lieux, de ce phénomène ?

C’est très dur quand de tels lieux ferment, parce qu’il n’y en a pas deux comme eux. Il n’y aura pas d’autre Fabric, pas d’autre Plastic People. Je ne sais pas, j’imagine que dans deux ou trois ans ça arrivera pourtant lorsque quelqu’un se dira “Hey, créons un club tout comme le Plastic People !”. C’est dommage, ce serait bien mieux de les laisser ouverts… 
Je ne suis pas sorti depuis un moment donc je ne voudrais pas faire un jugement péremptoire à propos de la nuit londonienne. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin et c’est le cas chaque nuit. C’est arrivé avec le Trash Club d’Erol Alkan, c’est arrivé avec mon préféré, le Yoyo au Notting Hill Arts Club… La construction, la gentrification, tout ça vient se confronter durement avec la vie nocturne, ça a toujours été le cas.
En l’espace de cinq ou six ans, j’ai été le témoin de la gentrification certaine de New York. Londres est en train de traverser la même chose. Mais il y a toujours des niches de scènes intéressantes. Il y a deux ou trois ans c’était Dalston, désormais c’est Peckham. Londres est une ville pleine de gens incroyablement créatifs et talentueux et il y aura toujours des lieux cool qui émergent grâce à eux.

Mark Ronson, le parfait transatlantique ?

Né en Angleterre, élevé à New York, Mark Ronson a fini par revenir en vieille Europe. Mark Ronson se sent-il plutôt Américain ? Plutôt Britannique ? Est-il le parfait transatlantique ?

Je n’ai pas d’allégeance particulière au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Je me sens Anglais, mais New York m’a profondément marqué lorsque j’y ai grandi. J’ai passé beaucoup de temps là-bas.
C’est marrant, parce que quand j’étais gosse j’allais à l’école à New York et bon, vous savez comment c’est : si tu ne portes pas les chaussettes de la couleur qu’il faut ou si tu as un accent différent, tu vas te faire emmerder. J’ai donc essayé de “sonner” américain très vite. Quand je rentrais en Angleterre, les gens me disaient “Tu sonnes si américain !” et lorsque je retournais aux US, c’était l’inverse.
J’aurais préféré avoir un accent, ou l’autre, afin qu’on remarque que je viens d’un endroit spécifique, mais désormais, c’est une chose à laquelle je me suis accoutumé.