Marion Maréchal-Le Pen, toi qui aimes le rap, voici 10 sons que je te conseille

Marion Maréchal-Le Pen, toi qui aimes le rap, voici 10 sons que je te conseille

photo de profil

Par Rachid Majdoub

Publié le

Marion, tu as déclaré écouter du rap, aimer Sexion d’Assaut et même Youssoupha. Voici dix titres que je te conseille vivement pour élargir ta culture hip-hop. 
Marion Maréchal-Le Pen, première sur le rap ? La députée de la troisième circonscription du Vaucluse a levé le voile sur ses goûts musicaux dans un entretien accordé au trimestriel Charles, qui paraîtra le 23 juin. Et là, surprise : en plus d’avouer détester le rock identitaire – lié historiquement à l’extrême-droite – et aimer Michel Sardou, la petite-fille de Jean-Marie et nièce de Marine déclare écouter du rap et “Skyrock de temps en temps” :

À voir aussi sur Konbini

Je vais peut-être vous surprendre mais j’écoute du rap aussi. Il y a un rappeur que j’aime bien, même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit sur le fond, mais je trouve qu’il a un talent d’écriture, c’est Youssoupha. J’aime beaucoup Sexion d’Assaut et Maître Gims aussi…

Qu’est-ce qui est le plus frappant : le fait que Marion, 25 ans, écoute Sexion d’Assaut ou Youssoupha ? Deux univers différents, l’un devenu mainstream, l’autre toujours aussi terre à terre et brodé sur l’étendard du vrai rap. Le rap, considéré comme “une attaque barbare” par un certain Jean-Marie Le Pen, en septembre 2014. La candidate aux régionales en PACA va donc à l’encontre de son grand-père et se montre ouverte musicalement. Bien.

À lire : Quand la musique emmerdait le Front National

Marion, maintenant que tu as entrouvert la porte à cette musique noble dont les textes peuvent aussi bien divertir que dénoncer, voici quelques morceaux que je te conseille d’écouter pour élargir ta culture hip-hop. Mais attention, certains risquent de heurter ta sensibilité. Keep calm and press play, comme on dit.

Fonky Family – “Sans rémission”

Prends ma main, Marion, et tiens la bien… parce qu’on démarre fort avec “Sans rémission”, titre culte du groupe marseillais Fonky Family sorti en 1998 sur leur premier album et disque de platine Si Dieu veut… Un grand classique du rap français.

D’ailleurs, sais-tu comment la FF s’est formée ? C’était en 1994. Un concert était organisé en hommage à Ibrahim Ali, un jeune Marseillais d’origine comorienne tué par… des colleurs d’affiches du Front National. Il fallait quelqu’un pour faire la première partie du concert. Dj Pone et DJ Djel, alors organisateurs et qui deviendront plus tard des membres du collectif, font se rencontrer Le Rat Luciano, Menzo, Sat et Don Choa à la dernière minute. Ils doivent trouver d’urgence un nom de scène pour les affiches de l’événement : ce sera Fonky Family.
Tu connais désormais l’histoire de la naissance d’un des groupes les plus influents de l’histoire du hip-hop français qui, quelques années plus tard, rappait donc sur “Sans rémission” :

De Mars[eille] on part en croisade contre l’État avare / Représente les quartiers dits sensibles en France et Navarre.

Ces quartiers, que tu n’as pas hésité à descendre dans un tweet après la relaxe le 18 mai dernier des deux policiers poursuivis pour non-assistance à personne en danger suite à la mort des jeunes Zyed Benna et Bouna Traoré, drame de Clichy-sous-Bois qui avait embrasé les banlieues françaises il y a dix ans.


Voilà, un premier choc frontal à tes propos et tes idéaux, Marion.

Keny Arkana – “Le Front de la haine”

On reste à Marseille, avec une rappeuse engagée : Keny Arkana. “Le Front de la haine” est un morceau sorti en 2007 suite à un énième dérapage de ton parti en pleine campagne présidentielle. Un militant du FN détournait alors le clip de “La Rage” de Keny Arkana, ainsi que son morceau “Nettoyage au Kärcher”, pour se l’approprier en faveur de son parti.
Un acte qui n’a pas plu à la rappeuse d’origine argentine, qui dans la foulée pousse un cri fort : “Abat, le Front de la haine“. Un morceau anti-partis politiques, “anti-FN ou [elle] emmerde le Front National“.

Aussi, si tu veux élargir ta culture rap marseillais, je te recommande “La Colombe” de Soprano.

Passi – “Les flammes du mal”

“Les flammes du mal”, comme celle tricolore du Front ? Peut-être bien, même s’il s’agit ici des “flammes du mal [qui] ont frappé la té-ci“, une cité sur le point de craquer dans le film Ma 6-T va crack-er (que tu dois voir absolument), et dont la superbe BO (que tu dois ABSOLUMENT écouter) comprend ce classique du rap français signé Passi.
Oui Marion, Passi, ce n’est pas seulement le mec qui posait “Face à la mer” avec Calogero.

Ce titre et le film qu’il représente résument à eux seuls la sombre réalité de certains quartiers, dont les résidents, confinés dans des barres et des tours HLM, sont pris dans un piège dont l’issue peut conduire à l’implosion.

X-Men – “Retour aux pyramides”

Un autre morceau issu de la BO de Ma 6-T va crack-er que je te conseille d’écouter à tout prix :

J’en profite pour vivement te recommander quelques petits films qui disent quelques trucs sur la banlieue. Pas seulement Ma 6-T va crack-er. N’hésite pas à voir pour la première fois La Haine de Mathieu Kassovitz – et écouter sa BO, surtout qu’il fête ses 20 ans en cette année 2015. Tu seras contente, il est en noir et blanc, un peu comme tes idées.

Oxmo Puccino – “La loi du point final” feat. Lino

Toujours dans le même registre, avec un peu moins de violence brute mais tout aussi d’impact lyrique. Marion, je te présente Oxmo et Lino, deux pontes du rap français. Leur collaboration en 1998 sur l’album du premier, Opéra Puccino, a donné naissance à ce titre culte.
Écoute :

Du pur son de vermine sur la FM / C’est rare comme trouver des couilles dans le slip des élus FN – Lino
Arrête de me saouler sur la couleur de ma shoes ou de ma peau / Non, y a pas de pourquoi cette parano, faut que t’arrêtes, c’est tout – Oxmo

Je te laisse méditer sur ces paroles. Et si tu veux aller plus loin, je te conseille aussi “L’enfant seul” d’Oxmo Puccino.

Ärsenik – “Une saison blanche et sèche”

Décidément, encore du Lino, cette fois-ci avec son groupe mythique : Ärsenik. Il faut vraiment que tu t’intéresses à Lino, Marion. Je te parle là de l’une des plus belles plumes du rap hexagonal. Et puisqu’il s’agit de plume, laissons parler les lyrics de ce morceau, qui commence fort :

J’débarque où le porc règne en monarque / Laisse des marques embarque / Un maximum de haine pour les émules de Jeanne d’Arc / Marque le coup assène remarques et coups déplacés / Souffle sur la flamme lassé / Par l’infâme le passé.


Violentes, ces paroles ciblent directement ton grand-père Jean-Marie, ennemi numéro 1 du rap français dans les années 90. Mais elles ne devraient pas heurter ta sensibilité, toi qui prends désormais tes distances avec le fondateur de ton FN et ses idées. Un parti ciblé un peu plus loin dans le morceau :

“La France Aux Français”, ça a le mérite d’être franc c’est sûr / Ça s’affiche sur les murs, a du sang sur les mains et la censure sera pour moi / Pour le texte explicite que j’viens d’écrire.

Kery James – “Je revendique”

Tends l’oreille, c’est signé du grand Kery James :

Ils ont maintenu la France dans la panique / Qu’ils s’étonnent pas que les gens aient voté FN / Puisqu’ils ont confirmé Jean Marie Le Pen / Ils disent, immigration dans nos banlieues / Et banlieue, égal vol drogue et violence / Que veux-tu que le Français moyen pense ? / J’dis qu’il y a eu trafic d’influence / Les Français se sont fait manipuler / De ma bouche ne s’échappe que vérité.


Décrire, dénoncer, revendiquer. L’essence du rap. En naît une vérité, ici sur le Front National déballée par Kery James, dont je te conseille aussi le titre “Hardcore” qu’il a réalisé avec son ancien groupe Ideal J.

IAM – “21/04”

Marion, si tu t’intéresses au rap, tu dois vraiment écouter IAM, ou “JESUIS” si tu préfères les traductions en français. Le groupe marseillais, légende du hip-hop hexagonal, avait d’ailleurs écrit “21/04”, un “message à Le Pen” en réaction au 21 avril 2002, date du premier tour de l’élection présidentielle de la même année qui avait vu Jean-Marie accéder au second tour. Tu avais 12 ans à l’époque, tu ne dois peut-être pas t’en souvenir.
Pour la petite histoire, ce morceau a plus tard été intégré à leur album Revoir un printemps sorti en 2003.

Extraits :

Vivre ici, tu crois pas que je sais la chance qu’on a ? Mais moi je suis cash et pas question pour ça de vendre mon âme, je braque mon arme : mon stylo.
Ils parlent d”honneur et de coeur, des mots qu’ils ont oubliés (…) confirmant l’adage “diviser pour régner”.
C’est le retour du temps des colonisés, traitant leur peuple de pas civilisés.
Y a rien qui change, Hitler aussi est passé droit avec voix, la voix du peuple, la voix maudite, celle qui tue l’humanité, l’expression, la diversité : ce que sont nos cités. La voix de ceux qui veulent que la paix meurt, qu’on se divise pour nos couleurs.
Ils ont votés pour un facho, c’est pas un vote contestataire.

NTM – “Plus jamais ça”

Souviens-toi, Marion. 1995. Non, pas le nom du groupe de rap que notre génération écoute aujourd’hui – et dont l’un des membres, Nekfeu, dit dans son titre “Risibles amours” issu de son dernier album Feu : “elle serait prête à tout même à se tatouer la tête de Marine Le Pen sur les fesses pour que je lui claque très fort“… Bref, trêve de virulence ; il ne s’agit pas du crew 1995, mais de l’année à laquelle NTM a sorti ce morceau sur son album Paris sous les bombes, intitulé “Plus jamais ça”.
Plus jamais quoi ? Plus jamais ce “schéma”, qui a vu le FN remporter cette année-là sa première ville de plus de 100 000 habitants aux élections municipales, Toulon (raflant également Marignane et Orange).
Suite à cette percée dans la France urbaine du parti dirigé à l’époque par ton grand-père Jean-Marie, Joey Starr et Kool Shen ont une initiative pour éteindre le FN : “pisser sur la flamme tricolore. Le putain d’étendard du parti des porcs“. Même s’il devrait plus heurter ta sensibilité qu’un “Bella” de Maître Gims, tu devrais mettre ce titre dans ton iPod 8 Go.

Concernant NTM, je te conseille aussi et vivement le morceau “Blanc et noir“.

Youssoupha – “Éternel recommencement”

Marion, tu as déclaré “aimer” Youssoupha – l’un des meilleurs [prims] paroliers du rap français – pour son “talent d’écriture”. Mais as-tu prêté une oreille plus attentive à ses textes ? À ses morceaux ? L’un de ses classiques s’appelle “Éternel recommencement”, paru il y a déjà huit ans, en 2007.
Il y “décrit la même réalité, dénonce les mêmes problèmes”. Je te le présente ici. Certaines paroles ne devraient pas te plaire, comme ces deux mesures au sujet de ta tante Marine :

J’mélange mes fantasmes et mes peines / Comme dans ce rêve où ma semence de nègre fout en cloque cette chienne de Marine Le Pen


Assez violent. Tu fais donc bien de déclarer que tu n’es “pas d’accord  avec tout ce qu’il dit sur le fond“. Mais tu es l’admiratrice du “Lyriciste Bantou”, celui qui de son cheveu sur la langue est le fervent fer de lance de la “Négritude”. D’ailleurs, c’est ainsi que se nomme son dernier album : NGRTD, comme Youss te l’a rappelé sur Twitter :


Revenons brièvement à “Éternel recommencement”, dans lequel Youssoupha se positionne en représentant de “la France d’ailleurs”. Cette France d’ailleurs non-chère à tes consœurs et confrères.
Enfin, celui qui se fait appeler Bakary Potter balance ça :

Je veux pas que les fêlés me félicitent.

Ah…
Marion, un dernier conseil : si tu lances une maison de disques comme ton grand-père, évite les chants nazis. Par contre, si tu fondes un label hip-hop, j’annule tout.