Quand La Manif pour tous s’en prend à… Sausage Party

Quand La Manif pour tous s’en prend à… Sausage Party

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Par Louis Lepron

Publié le

Après s’être opposée à la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, la Manif pour tous s’en prend à… un film d’animation. Grand Dieu !

Ce matin, la Manif pour tous s’est réveillée avec une belle gueule de bois. Pas tant que ses représentants soient sortis hier pour fêter, à l’eau et trois jours après, la victoire de François Fillon à la primaire de la droite. Seulement parce que dans les cinémas débarquait un film d’animation qui les a outrés. Son nom ? Sausage Party. Son histoire ?

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“Une petite saucisse s’embarque dans une dangereuse quête pour découvrir les origines de son existence…”

Derrière ce projet complètement barré, l’aventure d’aliments comprenant que, derrière ces fameux humains qu’ils considèrent comme de grands dieux ayant le pouvoir de les emmener dans “le Grand Au-Delà”, se cache une terrible vérité : ils ne sont que des aliments bons à être ingurgités pour finir dans l’estomac de ces grandes créatures que nous sommes.
Le film, réalisé par Conrad Vernon et Greg Tiernan, est basé sur scénario du génial Seth Rogen (acteur, mais pas seulement, il est derrière les scripts de SuperGrave, C’est la fin, L’Interview qui tue ou encore les productions de 40 ans, toujours puceau et Nos pires voisins), accompagné d’Evan Goldberg (scénariste de Délire express, The Green Hornet ou encore du sous-estimé The Night Before).
Bref, on retrouve une bonne partie du meilleur de la comédie américaine, celle qui tache, qui fait des blagues lourdes, fume de la weed et fait des allusions graveleuses dans chacun de ses dialogues. Sausage Party fait partie de cette lignée de films mettant en scène la vie sexuelle (méconnue) de saucisses et poires et contant l’histoire d’amour entre… une tortilla musulmane et un bagel juif.
Son succès aux États-Unis – le film a battu le record d’entrées dans la catégorie des films d’animation pour adultes – lui a permis de s’introduire sur le marché français, alors qu’il ne devait pas passer par la case “salles obscures”.
Qu’en disent ses représentants ?

– Evan Goldberg, scénariste : “Le cinéma d’animation a pour tradition de révéler la vie secrète des objets inanimés qui nous entourent, qu’il s’agisse de voitures ou de jouets. Un jour, nous avons réalisé que raconter la vie secrète des aliments pouvait être une nouvelle frontière humoristique !”
– Kyle Hunter, producteur exécutif : Sausage Party ressemble à n’importe quel film d’animation, mais les personnages profèrent des horreurs.”

Saucisses pour tous

Une aventure qui n’a pas plu à la Manif pour tous. Dans une série de tweets diffusés ce matin, le mouvement a ainsi mentionné le CSA – qui n’a rien à voir avec la classification des films, à contrario du CNC, demandant à ce qu’il y ait une remise en cause de l’interdiction aux moins de 12 ans actuellement appliquée à Sausage Party, qui sort aujourd’hui en France.
 
Et la Manif pour tous d’affirmer, en publiant (très maladroitement) des vidéos des scènes incriminées, et des photos explicites : “Allô @csaudiovisuel, expliquez-nous comment vous autorisez la projection d’une partouze géante, à voir en famille ? #SausageParty.”



Le mouvement s’est même permis une référence à la campagne de prévention anti-VIH qui a fait beaucoup de bruit ces derniers jours, soulignant, comme s’il y avait un lien entre les deux : “Un jour, on jette les Français dans partouze-porno en mode rigolo #SausageParty. Le lendemain, on fait de la prévention #Sida.”

Cette attaque contre le film d’animation survient au lendemain de la publication d’un article d’un certain Guillaume Anjou sur le site Info chrétienne. Le titre disait déjà beaucoup : “Parents, protégez vos enfants de Sausage Party, le film qui initie la jeunesse au sexe en groupe et à la pornographie”.

À lire -> L’interview hallucinante d’André Bonnet, l’inquisiteur autoproclamé du cinéma

Et de poursuivre, avec de nombreux points d’exclamation :

“Orgie sexuelle, voyeurisme, fellation, sodomie, sexe entre hommes, entre femmes : voilà le point culminant de ce film dans la scène de l’orgie. Vous ne voulez pas voir ça, ni dans cet extrait et encore moins dans une salle de cinéma avec votre enfant de 12 ans ! […]
La pornographie a des effets dévastateurs et irréversibles chez les jeunes. Vous devez les protéger de ce fléau dans vos maisons, sur Internet, dans les écoles et maintenant aussi dans les salles de cinéma ! Ne laissez pas l’industrie puissante de la pornographie faire de vos enfants de futurs clients zombies et drogués. Les effets de la pornographie sur le cerveau sont comparables à ceux de l’héroïne !”

Ce n’est pas la première fois que des films sont attaqués par des associations ou mouvement à connotation religieuse. La plus connue des médias se nomme Promouvoir. Très cinéphile, elle s’en est prise à Love de Gaspar Noé, La Vie d’Adèle d’‎Abdellatif Kechiche, Bang Gang d’Éva Husson, Saw 3D, dernier opus de la série horrifique réalisé par Kevin Greutert, ou encore Les Huit Salopards de Quentin Tarantino. Ou quand la liberté artistique du cinéma est importunée par des donneurs de leçons religieux.