Après un passage en enfer, Lil Wayne renaît enfin de ses cendres

Après un passage en enfer, Lil Wayne renaît enfin de ses cendres

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© Lil Wayne

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Par Jérémie Léger

Publié le

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Birdman & Lil Wayne, une famille brisée

Lil Wayne et Cash Money, c’est l’histoire tragique d’un chef de famille et de son fils dont les relations au beau fixe se sont muées peu à peu en un drame familial. Plantons le décor : dans les années 2000, Cash Money Records, maison de disques fondée en 1991 par Bryan “Birdman” Williams et son frère Ronald “Slim” Williams, est au sommet de l’industrie hip-hop.
Avec une ribambelle d’artistes sous sa coupe, dont la plupart figurent parmi les plus populaires du moment (Drake, Nicki Minaj, Young Thug, etc.), rien ne semble pouvoir arrêter cette irrésistible ascension. Lil Wayne, un génie précoce du rap de neuf ans seulement, fait partie des premiers artistes à rejoindre l’écurie.
Plus qu’une simple signature, le rappeur natif de la Nouvelle-Orléans va forger au fil du temps une relation particulière avec son boss Birdman. Les deux artistes sont d’ailleurs si proches que Wayne n’hésite pas à qualifier son mentor de “père spirituel“. Lequel, preuve de l’estime qu’il porte à son artiste, nomme Weezy président de Cash Money Records en 2007 et devient, dans le même temps, CEO de Young Money Entertainment, un nouveau label affilié à Cash Money.
Avec ce poste, il obtient ainsi le contrôle créatif intégral de tous les albums qui paraîtront sur les deux labels. Si le respect est alors réel entre ces deux barons du business musical, les choses se dégradent quelques années plus tard.

The Carter V, le point de non-retour

Qu’on se le dise : ce clash n’est absolument pas musical, mais financier. En décembre 2014, Lil Wayne créé un séisme sur la planète hip-hop en annonçant sur Twitter vouloir quitter les rangs de Cash Money Records. La rage au ventre et plein de frustrations, il déplore via une série de tweets que Baby, qu’il respectait tant, est un mauvais manager qui taxe beaucoup ses artistes et qui, surtout, ne les paye pas.
Mais le cœur du problème est ailleurs. Alors que le monde attend la sortie de son prochain Tha Carter V (déjà plusieurs fois repoussée) pour décembre 2014, son auteur prévient que si l’album n’a toujours pas vu le jour, c’est parce que Birdman refuse purement et simplement de le sortir. Commence alors une longue bataille judiciaire sur fond de droits d’auteur non versés.

Traduction : “À tous mes fans, je veux que vous sachiez que si mon album n’est toujours pas là, c’est à cause de Birdman & Cash Money, qui refusent de le sortir.”

Traduction : “Ce n’est pas ma faute. Je suis profondément désolé. Je m’excuse auprès de tous mes fans et surtout, de ma famille pour m’être mis dans cette situation.”

Traduction : “Je veux quitter ce label. Je n’ai plus rien à faire avec ces gens, mais malheureusement, ce n’est pas aussi simple.”

Traduction : “Je me sens prisonnier, moi et ma créativité. Encore une fois, je suis désolé. Je ne vous blâme pas si vous en avez assez de nous attendre moi et cet album, je vous remercie.”

Traduction : “Priez.”

Avec plusieurs millions de dollars en jeu, plus question alors de faire marche arrière : la suite du litige va se régler devant la justice. En effet, Lil Wayne est bien déterminé à récupérer les royalties qui lui reviennent, mais aussi les droits sur son label Young Money, afin de garder sous son aile ses artistes, Nicki Minaj et Drake.

Lil Wayne reprend sa carrière en main

À ce stade de sa carrière, et alors qu’on ne parle de lui que dans les chroniques judiciaires, Weezy veut rappeler qu’il est avant tout un amoureux de la musique. Il s’emploie alors à gâter son public avec des tournées, des featurings et surtout, à défaut de Carter V, de nouveaux projets musicaux.

Après avoir sorti une mixtape gratuite (Sorry 4 The Wait 2), le voilà qui s’associe à Jay Z et sa nouvelle plate-forme de streaming en plein essor, Tidal. Via un contrat d’exclusivité, il sort le 4 juillet 2015, soit le jour de la fête nationale américaine, un nouvel album au titre révélateur, Free Weezy. Une initiative qui ne sera évidemment pas du goût de Birdman, lequel choisira de poursuivre Jay Z et Tidal en justice.

Quelques mois plus tôt, en avril 2015, le tour bus de Lil Wayne s’était retrouvé visé par un homme armé d’un fusil. L’individu, Jimmy Carlton Winfrey, a écopé de vingt ans fermes pour ce geste. C’est l’une des rares fois où ce conflit financier a mené à des violences.

Loin de se laisser abattre, le leader déchu de Young Money va enchaîner les projets gratuits pour offrir toujours plus de musique à ses fans qui le soutiennent dans son combat. Ainsi, No Ceilings 2 sera un généreux cadeau offert pour Thanksgiving. Merci Weezy.

En janvier 2016, le procès suit son cours mais les rumeurs de réconciliations commencent à se multiplier. En dépit de leurs différends, les deux hommes sont aperçus ensemble à plusieurs reprises, comme lors du jour de l’an, en train de prendre du bon temps. Lil Wayne et Birdman sont-ils réellement redevenus amis ou est-ce seulement de la poudre aux yeux ?
Selon Birdman en tout cas, son poulain est toujours chez Cash Money et y restera. Ce clash d’anthologie est peut-être terminé (ou pas), mais l’artiste doit maintenant faire face à d’autres démons, malheureusement plus graves.

Lil Wayne flirte avec la mort

Autre facette moins connue du rappeur : celui-ci souffre de graves crises d’épilepsie depuis plusieurs années. Un handicap qu’il révélera à son public en 2013, toujours sur Twitter : “La mauvaise nouvelle, je vous annonce que je suis épileptique. Je suis sujet aux crises. Ce n’était même pas ma première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième ou septième crise. J’en ai eu plein.” Des crises répétées qui, plusieurs fois, lui feront frôler la mort.
Refusant régulièrement des soins en raison de son train de vie effréné, il faillit succomber une nouvelle fois en 2016. Avant de rassurer son public dans la foulée, toujours via Twitter, en prévenant que son état était stable. Malheureusement, cette nouvelle crise ne sera pas la dernière.
Une fois remis sur pied, Lil Wayne en a également profité pour faire taire les rumeurs le disant défoncé au purple drank (une boisson à base de sirop pour la toux) : “Je ne veux pas que vous croyiez que je suis défoncé, les gars. Je prends simplement des antiépileptiques, c’est tout”, déclarait-il aux micros de MTV en septembre dernier, comme le rapporte 20 minutes.
Fatigué de tout ça depuis longtemps, Lil Wayne annonce, en septembre 2016, sa décision de mettre fin à sa carrière musicale.

Traduction : “Je suis maintenant sans défense et mentalement abattu. Je pars avec dignité et reconnaissance. J’adore mes fans, mais c’est fini pour moi. Je ne cherche pas de la pitié, juste de la sérénité. Je vais bien, ne vous en inquiétez pas.”

Seulement voilà, son amour pour la musique est plus fort que la maladie ou que n’importe quelle pression psychologique.

Dedication 6 (Reloaded) : le phénix renaît de ses cendres

La comparaison peut sembler facile, mais Lil Wayne, après avoir livré de nombreux combats ces dernières années, a tout d’un phénix prêt à renaître de ses cendres. Longtemps sous le joug de son bourreau Cash Money, le rappeur n’a jamais cessé de défendre sa liberté artistique. S’il attend depuis cinq ans de pouvoir nous livrer son Tha Carter V, l’Histoire nous a montré que Weezy n’a pas manqué d’idées pour continuer à s’exprimer.
Alors qu’on ne l’attendait plus, il est revenu à Noël dernier avec le sixième volet de sa série de mixtapes Dedication. Et comme une surprise n’arrive jamais seule, il vient, en ce dernier week-end de janvier, de partager la réédition de l’opus qu’il a judicieusement intitulé Dedication 6 (Reloaded).

Nouvellement libre, l’artiste révèle, avec cette nouvelle série de morceaux, une volonté de proposer plus que jamais la musique comme il l’aime. Qu’il s’agisse d’originaux ou de remix des plus gros hits du moment, Lil Wayne a choisi de ne plus mettre aucune barrière dans son processus créatif. Lui qui ces dernières années semblait bien loin de la musique, car rongé par ses démons, crie haut et fort sa renaissance musicale. Un nouveau souffle qui lui a fait retrouver la fougue de ses 20 ans, pour notre plus grand plaisir.
Dans un énième élan d’audace, Wayne a même récemment officialisé un featuring inattendu avec Maître Gims. Qui sait, peut-être que ce titre aura l’insigne honneur de figurer sur Tha Carter V, l’une des plus grandes arlésiennes de l’histoire du hip-hop.