On a décortiqué le top 100 des artistes les plus influents du NME

On a décortiqué le top 100 des artistes les plus influents du NME

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Kanye West, en troisième place du classement des 100 artistes les plus influents (Crédits images : Getty Images)

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Par Théo Chapuis

Publié le

La musique est une rivière qui s’écoule, et les tributaires des influences dont elle se nourrit sont en changement constant. Combien de groupes s’asseyent et se disent “Allez, écrivons notre propre “Strawberry Fields Forever” [des Beatles, ndlr], ou encore “Ce dont nous avons besoin, c’est d’un album exactement comme Ogdens’ Nut Gone Flake [des Small Faces, ndlr]” ? Aucun.

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And the winner is…

News Musical Express consacre la première place à Radiohead, insistant sur la doublette guitariste/chanteur Johnny Greenwood/Thom Yorke. Élogieux, le magazine frileux à classer le Fab Four quelques pages plus tôt n’hésite pas un seul instant la filiation :

Considérant à quel point ils ont su repousser les limites de la musique, on pourra bientôt leur construire un autel en tant que Beatles du XXIème siècle.

Art de nier son conservatisme, ou référence obligatoire ? À vous de voir. Malgré le postulat de départ d’éviter les monstres sacrés de l’histoire “classique” du rock, le dauphin des interprètes de “Knives Out” n’est autre que David Bowie, 67 ans, dont l’influence n’est certes pas à démontrer, mais qui semble relever lui aussi de la catégorie des monstres sacrés. Aurait-il été plus sage de se passer du chanteur de “Space Oddity” ? Non. Selon NME“De toute la vieille garde, David Bowie est le type que les jeunes musiciens continuent de citer avec une régularité dévote aujourd’hui”.
Puis vient Kanye West en troisième position, premier noir, premier non-Britannique et premier artiste rap du classement, dont le magazine reconnaît l’influence hors du strict cadre hip-hop. Outre ses qualités de rappeur, sont flattées ses compétences de producteur et son rôle dans la démocratisation de l’auto-tune.
Pour les quatrième et cinquième positions, le canard a choisi de nommer deux groupes de rock emblématiques des années 2000 et également américains : les White Stripes (avec Meg White, première femme du classement en son sein avant Kate Bush en huitième position) et les Strokes.

The XX 10ème, Hole devant Nirvana…

Si on reconnaît aisément l’influence (et la longévité artistique) des Flaming Lips, classés sixièmes du classement, ou encore celle du Gun Club, septième, c’est celle de l’éphémère phénomène The XX, en dixième position, qui nous échappe de prime abord. Alors que le premier album des Londoniens neurasthéniques est classé 2ème meilleur disque de l’année 2009 par le journal, celui-ci a eu bien du mal à justifier le décevant second album du groupe.
Pourtant, s’il s’agit de les distinguer, c’est pour leur influence sur de nombreux artistes pop dont les médias se délectent aujourd’hui, tels London Grammar, Lorde et Glass Animals pour les plus évidents, mais aussi James Blake, Drake, SBTRKT ou carrément Rihanna. Ah bon.
Plus étrange encore, entre les éternels Smiths (11) et Joy Division (13), la douzième place est occupée par The Breeders. Qui ça ? Mais si, souvenez-vous : le second groupe de Kim Deal de Pixies, notamment auteur de “Cannonball”, ce tube nineties pop-grunge. Le magazine fait le choix de les placer avant le Velvet Underground, seizième position, dont l’influence sur la musique contemporaine crève les yeux ?
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Si on note avec plaisir la présence de Blur, Aaliyah et Prince respectivement places 17, 18 et 20, le fan de grunge assoupi dans nos cœurs a bondi hors de son jean troué lorsqu’il a aperçu Hole en 21ème position. Soit avant Nirvana, paumé en place 25. NME explique en deux paragraphes que si Hole est si important, c’est en premier lieu pour la personnalité de Courtney Love.
Pourtant, plutôt que de parler de son actualité musicale (en même temps, il faudrait déjà qu’elle en ait une…), le magazine ne s’est jamais privé de relayer les frasques de l’ex de Kurt Cobain comme n’importe lequel des tabloïds. Et la place donc juste devant Sonic Youth, dont l’apport à la musique indépendante des années 2010 est, elle aussi, in-dé-nia-bleuh.

QOTSA plutôt que Kyuss

Placés à une étrange 24ème place, Queens Of The Stone Age dénotent. Tout important que ce groupe soit pour l’histoire du rock, son influence directe est plutôt rare. Si NME justifie de son influence sur Royal Blood ou Death From Above 1979, on ne peut pas dire que ces groupes soient des cartons mondiaux.
Là où NME nous semble rater son coup, c’est que le choix du premier groupe de Josh Homme, Kyuss, aurait semblé plus pertinent. Pilier de ce qu’on appela ensuite le stoner rock, le groupe a popularisé un son aujourd’hui reconnaissable entre mille qui dépasse progressivement son statut de genre de niche (Fu Manchu régulièrement dans la bande originale de la série à succès Sons Of Anarchy, l’ascension de groupes comme Kadavar, Blues Pills ou Red Fang…). Les QOTSA, de leur côté, restent inimitables, inimités, et c’est tant mieux comme ça.

Chic 59ème, The Cure 99ème

Reste ceux dont on se demande ce qu’ils font aussi loin dans le classement. Stevie Wonder mérite-t-il sa 78ème place, loin, bien loin derrière la 59ème place de Chic (dont le retour en grâces de Nile Rodgers grâce à deux robots français bien célèbres n’est sûrement pas pour rien) ?
The Cure, dont la palette d’expression étonnamment large a soufflé sur la musique des années 80 une fraîcheur romantique indéniable, sont-ils légitimes à l’avant-dernière place du classement, dépassés par leurs pillards Vampire Weekend (76), Foals (91) ou The XX (10) ?

Et le hip-hop dans tout ça ?

Mais où sont-ils passés ?

Et que dire des grands absents de cette liste ? Outre Kyuss, évoquons les grands oubliés de Throbbing Gristle, pionniers de la musique industrielle, sans lequel, sans doute, ni Nine Inch Nails (84), ni Grimes (72), ni Death Grips n’existeraient. Ou bien le manque étonnant de Red Hot Chili Peppers dont l’album Blood Sugar Sex Magik a ravi le cœur et l’esprit de toute une génération qui s’abandonnera ensuite à Rage Against The Machine et KoRn.
Est-ce chauvin que de s’étonner de l’oubli d’un Daft Punk ou d’un Air ? Balayé, l’héritage french touch. Aussi, s’il s’agit de faire un top sans Bob Dylan, Simon & Garfunkel et Nick Drake, pourquoi ne pas avoir fait une petite place au génie Jackson C. Frank, dont la musique, plus de 50 années après, inspire de Midlake à Junip, mais figure aussi dans plusieurs bande-sons de film (dont la pépite “Dialogue” dans Electroma… des Daft Punk, tiens). Pas pris une ride.

On pourrait longtemps déplorer Motörhead, The Mars Volta, George Clinton, The Rapture, Converge, Devendra Banhart, MC5, Patti Smith, Mike Patton, Frank Zappa, Jimi Hendrix, Brian Eno, Marvin Gaye, les Cocteau Twins et tous les autres.
D’ici quelques années, Warpaint, Savages, Jamie XX ou encore Odd Future siégeront aux côtés de Radiohead pour leur influence sur la nouvelle génération de musiciens. Fingers crossed, isn’t it ?
Précisions hip-hop écrites par Rachid Majdoub