Le Loup de Wall-Street ou la mort sous coke du rêve américain

Le Loup de Wall-Street ou la mort sous coke du rêve américain

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Leonardo DiCaprio plays Jordan Belfort in THE WOLF OF WALL STREET, from Paramount Pictures and Red Granite Pictures.

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Par Louis Lepron

Publié le

Le rêve américain aux dents longues…

Au-delà du triptyque drogue-argent-sexe, Le Loup de Wall-Street se veut en phase avec la question de l’existence du rêve américain. Hunter S. Thompson, qui a toute sa vie repoussé l’idée d’écrire un livre sur le sujet, aurait hoché la tête, d’un air approbateur. Pour dire oui à cette tentative cinématographique d’un miroir crasseux de l’Amérique, 40 ans tout juste après la crise politique opérée par Nixon et son Watergate.
Le film terminé, on ressort comme foudroyé. On était comme face à un pavé d’humour dans un océan de coke. Leonardo DiCaprio signe la performance la plus folle de sa carrière, bien aidé par un Jonah Hill jouant le rôle du partenaire comme de l’ami un peu (beaucoup) timbré. On ne pourra oublier cette prise inconsciente de drogue qui finit sur une scène surréaliste dans une cuisine, à mi-chemin entre Uma Thurman en overdose dans Pulp Fiction et George Bush qui s’étouffe avec un bretzel.
La première partie se veut enlevée, rythmée, dynamique, en phase avec la jeunesse de son personnage, ce Jordan Belfort aux dents acérées : il ne se rend pas compte de sa hargne, de l’odorat qui l’aide à repérer autant les billets que la belle chair. On s’amuse, on picole avec lui, on prend des rails sans se soucier des lendemains. Les trajets se font sous alcool, les prises de décision sont poudrées, révélant que dans l’enfer du pouvoir, les responsables sont des animaux.

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… pour une conclusion pessimiste

Oui les voitures, le yacht comme la demeure en jettent. C’est là qu’intervient Martin Scorsese. Se référant aux grands qui ont fait parler l’inconscient américain au cinéma (Sergio Leone et Il était une fois en Amérique, Brian de Palma et ses Incorruptibles, Francis Ford Coppola et son Parrain), il dresse le portrait d’une Amérique dépendant de ses démons, de son Eldorado sans fondement, sans lien avec la réalité alors que celle des années 90 ressemble à une ruée vers l’or malsaine.
Les fondements s’effritent et s’annonce une fuite en avant agressive dans laquelle la femme, dommage collatéral flagrant, métaphore de tous laissés-pour-compte de la finance, n’a pas sa place. Résutat ? Le Loup de Wall-Street est un film maîtrisé de bout en bout, mis en scène avec brio, qui a parfois ses longueurs mais qui en dit long sur la santé du featuring DiCaprio – Scorsese : au meilleur de sa forme. L’acteur américain se retrouve dans l’une des productions les plus ambitieuses de ces 20 dernières années avec pour sujet l’Amérique. Un vrai grand film.
La conclusion n’est pas aussi belle que la devanture (cf. la bande-annonce) : au regard du constat, la fuite en avant s’est transformée en une flopée d’erreurs qui n’ont jamais reçu de leçons. Pas d’happy end, au sens où on l’entendait : les méchants en prison.