La guerre psychologique en 3 films cultes

La guerre psychologique en 3 films cultes

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Par Arthur Cios

Publié le

Alors que mercredi 30 septembre sortait en salle Ni le ciel, ni la terre, film franco-belge au réalisme tranchant sur la guerre en Afghanistan, retour sur trois films de guerre culte profondemment psychologiques.
Jamais un film de guerre n’a semblé aussi réaliste. Dès les premières minutes de Ni le ciel, ni la terre, on se sent embarqués dans un truc où probablement vous et moi n’avons jamais mis les pieds. On se trouve au sein d’une section française à la frontière pakistano-afghane, en 2014, soit quelques jours avant le retrait des troupes.
Mais ici, pas de champs de bataille, pas de fusillades à-tout-va. Le réalisme passe par l’ennui des soldats, la solitude, l’envie de rentrer. Et quand s’ajoutent de mystérieuses disparitions au sein de la troupe, la folie, invisible, pernicieuse, gagne du terrain.

Ni le ciel, ni la terre est dans la lignée de ces films de guerre se concentrant plus sur l’impact psychologique sur ses personnage d’un tel climat, que sur les tenants et aboutissants documentarisés du climat, façon Il faut sauver le soldat ryan, Lettre d’Iwo Jima ou Zero Dark Thirty. Et s’il semble en avoir atteint le paroxysme, c’est parce que d’autres films lui avaient auparavant préparé le terrain. Retour sur trois films cultes.

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Voyage au bout de l’enfer

En 1975 se termine l’une des périodes les plus traumatisantes et les plus marquantes de l’histoire américaine : la guerre du Viêt-Nam. Près de vingt ans de conflit, plusieurs millions de morts, 7,08 millions de tonnes de bombes larguées par les États-Unis pour des génération de soldats, des deux côtés, marqués au fer rouge.
Trois ans (à peine) après, Michael Cimino sort son deuxième long métrage, Voyage au bout de l’enfer (1978). L’histoire de trois amis – Mike, Steven et Nike, qui partent au Viêt-Nam et en reviennent brisés. Littéralement. Si les films de guerres ne sont pas nouveau, peu mettaient en exergue l’impact psychologique de la chose.
Et alors que l’Amérique ne s’est pas encore remise et “ne veut pas voir de film sur le Viêt-Nam“, Cimino balance un long métrage de trois heures sur les traumatismes invisibles de ce conflit imprimés enfin sur pellicule. Le premier pour être tout à fait exact. Le film rencontra un succès certain, gagnant une flopée d’Oscars dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur pour un second rôle avec le génial Christopher Walken.
Et cette séquence, qui avait fait polémique à l’époque (aucun témoignage n’avait fait état de telles pratiques lors de cette guerre), n’y est pas pour rien :

Voyage au bout de l’enfer ouvrit la voie à toute une génération de cinéastes souhaitant montrer les ravages du conflit plus à travers les failles pscyhologiques de leurs personnages qu’à travers la reconstitution précise et objective de ses batailles. Stanley Kubrick (Full Metal Jacket – 1987), Oliver Stone (Platoon – 1986) ou plus récemment Sam Mendes (Jarhead – la fin de l’innocence – 2005) et Jim Sheridan (Brothers – 2009) font partie de ceux-là.

Apocalypse Now

Un peu de justice : si Voyage au bout de l’Enfer a été le premier film à aborder les traumatismes de la guerre du Viêt-Nam, c’est en grande partie à cause des délais de production d’Apocalypse Now, dont le projet démarra plus tôt et dont, ironiquement, le tournage en a rendu fou plus d’un, en commençant par son réalisateur, Francis Ford Coppola. Mais peu importe : les deux n’abordent pas le sujet avec le même angle.
Là où Michael Cimino illustrait les dégâts d’un conflit à travers trois protagonistes initialement proches de n’importe quel Américain (trois ouvriers originaires d’une petite ville ordinaire et industrielle de Pennsylvanie) que d’un grand traumatisé, Coppola choisit un colonel Kurtz plus “fou” que blessé. Enfin, au début tout du moins.

Car la force de cette balade mouvementée en patrouilleur le long de ce fleuve cambodgien réside dans le personnage principal, le capitaine Willard incarné par Martin Sheen, en plein introspection, qui réalise la folie omniprésente sur le terrain. Non sans justifier le comportement du protagoniste, la multiplication de scènes surréalistes souligne l’absurdité du conflit et lui permet d’approcher Kurtz, du bombardement d’un village à la fameuse phrase “This is better than Disneyland” d’un soldat disposé au milieu de la fumée d’un fumigène rose.
Un feu d’artifice sans fin qui récolta une Palme d’or à Cannes en 1980, et qui restera comme l’un des plus grands films du septième art.

Full Metal Jacket

Près de dix ans après la fin de la guerre, et vingt ans après les faits relatés, Stanley Kubrick livre sa vision avec Full Metal Jacket, du nom d’un type de munition. Mais ici, on se rapproche de ce que Ni le ciel, ni la terre cherche à montrer (la folie de la guerre sans la guerre). En témoigne le personnage de Grosse Baleine qui devient fou avant même d’avoir posé un pied sur le terrain, poursuite de la critique du conditionnement développée dans Orange Mécanique par le cinéaste américain.
Kubrick se concentre ici sur l’entraînement, sur l’humiliation que le sergent instructeur Hartman fait subir (cette séquence est notamment culte), et sur la pression effectuée par les autres recrues sur Grosse Baleine. Le bonhomme, en surpoids et en difficulté pour effectuer les exercices physiques, devient la tête de turc de tout le monde. Et craque.
Cependant, Kubrick dépeint également, dans la deuxième moitié du long métrage, le conflit. Le personnage que l’on suit, Guignol, qui essayait par ailleurs de protéger Grosse Baleine, se retrouve confronté à l’aberration de la guerre. Tous les hommes qui l’entourent sont fragilisés, sans espoir, paranoïaques.

Que ce soit avant ou pendant, la guerre traumatise. Elle est contre-productive et est vouée à poser un voile invisible et sombre sur les hommes qui y participent. Ce n’est pas pour rien que le film se conclut sur “Paint It Black” des Rolling Stones.