Kid Cudi, Kanye West, Adele… la dépression, inhérente à la carrière musicale ?

Kid Cudi, Kanye West, Adele… la dépression, inhérente à la carrière musicale ?

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Par Konbini

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Kid Cudi combat actuellement la dépression et ses pensées suicidaires. D’autres stars comme Kanye West, Kendrick Lamar, J. Cole, Renaud, Benjamin Biolay ou Adele récemment, sont passées par là. Aussi privilégiées soient-elles.

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C’était censé être une grande fête. Nous sommes à la fin du mois de septembre quand Kid Cudi annonce qu’il va sortir son nouvel album, Passion, Pain & Demon Slayin’. La publication est prévue pour le vendredi 30 et les fans s’impatient, un an après Speedin’ Bullet 2 Heaven, le dernier opus studio du rappeur, paru en 2015. Mais à la veille du jour J, premier choc : l’album est repoussé. Jusqu’ici, pas de quoi vermifuger un abribus pour autant. Dans une sorte de communiqué de presse, Cudi explique qu’il s’agit de “petites retouches sur deux, trois samples”. Kanye West avait fait la même avec No More Parties in L.A., en feat. avec Kendrick Lamar.

On se dit alors que ce n’est qu’un contretemps artistique. Puis le couperet tombe dans les jours suivants : Kid Cudi est en route pour l’hôpital et comme il l’explique à ses fans sur Facebook, il ne va pas bien du tout. “Je ne suis pas en paix, je ne l’ai jamais été depuis que vous me connaissez. Si je n’étais pas venu ici, je me serais fait quelque chose. Je suis simplement un être humain abîmé nageant dans une piscine d’émotions tous les jours. Il y a une violente tempête à l’intérieur de mon cœur, tout le temps. Mon anxiété et la dépression ont gouverné ma vie aussi longtemps que je me souvienne et je n’ai jamais quitté la maison à cause de cela. Je ne peux pas me faire de nouveaux amis à cause de cela. Je ne peux faire confiance à personne à cause de cela et je suis fatigué d’être retenu dans ma vie. Je mérite d’avoir la paix. Je mérite d’être heureux et souriant. Pourquoi pas moi ?“, a lâché le rappeur de G.O.O.D Music, dans un texte qui nous arracherait une larme.

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Un monde à part

On n’est pas trop débiles alors on fait le lien. Kid Cudi n’est plus en état de bosser et on doit s’occuper de lui, avant qu’il ne soit trop tard. Jusqu’à aujourd’hui, les raisons de cette crise mentale restent floues. Mais le “je suis simplement un être humain” est le point central du communiqué. Est-ce néanmoins étonnant, venant de Kid Cudi ? Son enfance a été compliqué, notamment à cause du décès de son père lorsqu’il avait 11 ans. Même quand il est devenu un grand garçon, il pouvait avoir du mal à vivre les ruptures amoureuses. Par exemple, dans “Dr. Pill”, morceau composé en 2012 avec WZRD, le groupe de pop-rock qu’il a monté, il évoque clairement ses difficultés mentales :

“Ma tête est toujours pleine, je suis coincé dans un endroit dans lequel j’ai été trop loin trop longtemps. Ce n’est pas de la paranoïa, je suis bloqué dans cet enfer […]. Dans le coma, dites-moi comment arranger ça car j’ai tout essayé, qu’est-ce que j’ai fait d’aussi mal ? Docteur, aide-moi, peux-tu m’aider, Docteur Pilule ?” [dans une interview pour Complex, Cudi expliquait qu’il parle ici de prescription médicamenteuse et non d’ecstasy, ndlr]

On l’a dit, Kid Cudi a eu du mal à digérer le décès de son père (qui n’en aurait pas). Il avait tendance à se plonger dans sa bulle pour s’évader. C’est un peu ce qu’il raconte dans “All Along“, en 2010 : “Quand les nuits changent, mes cauchemars changent aussi, je rêve que la réalité soit mon rêve”.

En cette fin de mois d’octobre, Drake et Lupe Fiasco ont raillé sa défaillance mentale, sans pitié. Il devait déjà y avoir des moqueurs à l’époque de Man On The Moon, en 2009 : “Mon esprit est cinglé, cinglé, cinglé, ils doivent penser que je ne suis pas humain, comme si je venais d’ailleurs, je me sens comme un avion dans le ciel, mais après ils disent que je suis fou, fou, fou…”.

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Les plus grands artistes ont beau être riches, célèbres, vivre de leur passion, voyager à travers le monde et travailler quand ils veulent, émotionnellement, ça reste des gens de la masse comme nous autres. On pourrait même dire qu’ils sont exposés d’une autre façon, de par leur métier. Des problèmes qu’ils n’auront jamais, il y en a des millions. Mais ils peuvent vivre des choses bien à eux. Comme par exemple, goûter au succès et replonger ensuite. On le sait, après la première fois, on y prend goût. “Tu fais des concerts, tu fais des albums, ça cartonne dans les bacs, et ta tête pèse trois tonnes. Tu t’la racontes, ressors un album, crois que c’est la bonne. C’est rouge dans ta zone, zéro, tu repars à zéro”, posait Sefyu dans “Zéro”.

Bosser d’arrache-pied pour un retour sur investissement bien faiblard. C’est cool de faire des chansons mais, panne sèche, t’as plus d’idée, rien. Tu fais quoi ? Tu continues de ramer ou tu acceptes d’aller faire autre chose ? Des anciens collaborateurs te tournent le dos, tu te sens abandonné. Des gens qui t’aimaient veulent te voir tomber, par jalousie. Ou, dans un cadre encore plus personnel, des drames familiaux, qui touchent autant le mec couvert de Grammy Awards que celui qui se lève à 5 heures pour aller à l’usine.

Kanye West, Kendrick, J. Cole, Adele…

Des individus encore un ton au-dessus de Kid Cudi ont connu ça. C’est le cas de Kanye West, notamment. En 2007, Kanye perd sa maman. Quelques années plus tard, il lâche un “J’ai connu une profonde dépression quand ma maman est décédée. Suicide, quel genre de mot c’est, ça ? Je parle à Dieu depuis tellement longtemps et si tu regardes bien, je suppose qu’il me répond”. En traduisant, vous reconnaissez un passage dans Clique, avec Jay Z et Big Sean. L’année dernière, West a révélé à Q Magazine qu’il pensait que sa décision de déménager à Los Angeles a provoqué le décès de sa maman et que cet état dépressif par la suite a entraîné sa rupture avec Alexis Phifer, son ex de longue date. Un brin vaniteux qu’il est, Kanye West  a dû admettre sa défaite face aux turbulences d’alors.

Iggy Azalea, elle, s’est sentie rejetée et critiquée par le monde du hip-hop (on pense à Azealia Banks qui passait son temps à l’accuser de vouloir “s’approprier la culture des Noirs” ; c’est Banks, hein, c’est normal). Alors à la radio Power 106 en mars dernier, la rappeuse australienne évoque ses envies d’en finir : “parfois, je roule vers les canyons pour faire du cheval et je me dis : ‘et si je me j’étais dans les canyons ?’. Parfois je ressens ça”. Kendrick Lamar, lui, a vu trois de ses amis de Compton se faire tuer en un été. Alors en 2015 à MTV, K-Dot confie : “Comment puis-je être une voix pour tous ces gens à travers le monde alors que je ne peux pas les atteindre comme je le veux ? Et ces gens sont les plus proches de moi. C’est un truc de fou”.

Quant à J. Cole, il a carrément recraché ses pensées opaques dans son album Born Sinner, sorti en 2013. C’est ce qu’il a expliqué à Soul Culture la même année : “C’est un état d’esprit que j’avais mais qui ne s’est jamais manifesté, c’était silencieux, ça n’a jamais explosé. Tout était dans ma tête. Et puis en une minute, ça a changé et maintenant je dois faire avec un état mental que je n’avais jamais connu avant, à savoir me battre contre toutes ces pensées négatives. Ce sont de ces moments sombres dont je parle”. C’est quand même incroyable qu’un gars aussi confiant en lui-même comme Jermaine soit finalement aussi vulnérable. Plus récemment, Adele a parlé ouvertement de sa lutte contre la dépression post-natale, et évoqué son dark side.

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Du côté des artistes français

Comme vous pouvez le constater, il peut s’agir à la fois de raisons purement professionnelles, de raisons intimes ayant une incidence sur le travail, ou juste de troubles émotionnels. Petit détour par chez nous, en France, avec par exemple Benjamin Biolay, qui révélait au Parisien en avril dernier avoir vu “la mort de près”. “Avant, j’étais une machine à m’autodétruire. Je pouvais me finir tout seul chez moi, par l’alcool, les médicaments, la tristesse : ne pas dormir, mal manger”.

Déjà en 2009, Biolay confessait ses addictions à Marie-Claire : “J’ai toujours fumé beaucoup de hachich. Je n’ai jamais réussi à décrocher. Il n’y a pas de drogues douces. Je me suis trop noyé dans le monde de la nuit à faire n’importe quoi de ma vie, à partir en virée. La célébrité fausse absolument tout”.

Renaud a-t-il été victime du même spleen ? La crise de la quarantaine le frappe de plein fouet et il commence à faire du n’importe quoi. “J’ai essayé de soigner ma dépression par de mauvais médicaments, les pastis mélangés à des antidépresseurs, des anxiolytiques et des neuroleptiques. Mentalement, j’étais une épave”, confiant-il à la presse, à la fin des années 90. Sa compagne le quitte, il est humilié par le milieu de la musique. Il a tout perdu : sa femme, sa gosse Lolita et (presque) son job.

Le cas Kehlani

On a même carrément eu le droit à la tentative officielle de suicide pour des histoires de luv’. C’était tout récemment, en février aux États-Unis, avec Kehlani qui a tenté d’en finir, heurtée toute la nuit par les Internets lorsqu’ils ont appris qu’elle avait supposément trompé le basketteur Kyrie Irving pour retourner avec le chanteur PartyNextDoor. “Aujourd’hui j’ai voulu quitter cette terre. En étant complètement égoïste pour une fois. Je n’ai jamais pensé atteindre autant le fond. Mais… ne croyez pas les blogs que vous lisez… personne n’a trompé personne et je ne suis pas une mauvaise personne. Tout le monde est blessé et tout le monde est au beau milieu d’un malentendu. Mais là, aujourd’hui, je n’ai pas envie de voir demain. Mais Dieu m’a sauvée pour une raison, et pour ça… je lui en suis reconnaissante. Car je ne suis pas au paradis en ce moment pour une raison. Sur ce texte, bye Instagram”, avait alors publié la chanteuse de 21 ans sur son compte IG.

Kehlani avait fini à l’hosto parce qu’elle avait besoin d’assistance. Figurez-vous qu’il y a encore 3 ans, Kid Cudi pensait pouvoir s’en sortir seul. “Quand j’ai eu mes problèmes de cocaïne, j’ai arrêté tout ce qui rendait accro. Je ne suis pas allé en rehab. Je ne crois pas en ces trucs. Certains ont besoin d’aide extérieure, pas moi”, avait-il déclaré lors d’une interview en 2013. Pensez-vous.

Parce qu’il y a aussi ça : être exposé médiatiquement, c’est risquer de lire des saloperies sur sa tête. Partout, tout le temps, quoi que tu fasses. Ils appellent ça la rançon de la gloire. L’avantage dans leur position, c’est que la courbe peut être inversée plutôt rapidement, toujours par le levier médiatique. Un succès peut suffire. Kid Cudi a sorti deux clips de son prochain album, et vient d’apparaître sur la scène du ComplexCon festival: le bout du tunnel ? Il a même répondu au clash de Drake, en lui demandant de venir lui dire ce qu’il a à dire en face et, grosso modo, en lui donnant rendez-vous à la sortie de la rehab. Peut-être un signe qu’il retrouve la pêche.

Un an après le décès de sa maman, Kanye West sortait 808s & Heartbreak, qui asseyait définitivement son statut d’icône du rap. Kendrick Lamar a surmonté les difficultés grâce à la réussite de To Pimp A Butterfly. Kehlani a confié il y a quelques jours être en train de finaliser les détails de son premier album. Renaud a signé son grand retour avec Boucan d’enfer, qui s’est écoulé à plus d’1.5 million d’exemplaires. Les artistes ne sont pas sûr ou sous-protégés. Ils sont vulnérables différemment. C’est propre à leur art, la musique. Un job pour lequel il faut avoir les reins solides et du titane dans la boîte crânienne.

Article écrit par Randy Assala