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Portraits : chacun son Dour, chacun son chemin

Portraits : chacun son Dour, chacun son chemin

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Par Tomas Statius

Publié le

Marius : le mec ouvert

S’il fallait illustrer Dour dans toute sa diversité et avec un brin d’humour, Marius aurait pu être un bon choix. Rencontré en marge des scènes Cannibal et Dancehall, ce Français de 26 ans, caméléon parmi la verdure, est un adorateur du festival pour ses associations :

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Dour, ce sont des gens et des styles musicaux différents. Surtout par rapport à d’autres festivals où tu ne retrouves qu’un seul type de musique. Hier par exemple, je me suis baladé, j’ai rencontré des gens, ils m’ont payé des coups, j’ai déambulé et je me suis couché assez tôt en me disant qu’aujourd’hui je serai plus en forme. Que je boirai moins de bières la journée pour en boire plus le soir.

Aujourd’hui je vais aller voir Gentleman, Hightone, des trucs que j’écoutais avant, ça peut être sympa. Mais j’aime aussi tout ce qui est électro. En fait c’est ça que j’apprécie à Dour, la diversité :  tu vas écouter de la techno, tu vas danser, après tu vas aller voir de la dub et passer au metal. Tu as vraiment de tout.
En plus au camping, on passe du bon son, de l’acid. Je me suis demandé pourquoi ils avaient pas fait une scène spécifiquement acid d’ailleurs. Ça m’aurait évité de passer tout ce temps sur le camping.

Jean : la sécu dans le sang, le reggae dans la peau

Jean, c’est le genre de type que tu vois de loin mais dont tu ne t’approches jamais. Pas tellement parce qu’il a un chasuble floqué sécurité mais plutôt parce que sa main pourrait briser la tienne le temps d’une seule poignée.
Aventuriers qu’on était, on est quand même allé lui dire bonjour et lui poser quelques questions :

J’habite à Boussu, le village à côté de Dour et c’est la première année que je travaille pour le festival. Je m’occupe de la sécurité de l’espace VIP. Ça se passe très bien, le soleil est là, les gens sont là, tout le monde est content.

Avant j’étais militaire et je vais te dire les dérapages qu’il y a ici, je trouve ça quand même minime par rapport à la masse du festival. Dans un stade de foot, quand on y pense, c’est bien pire. Ici, j’ai pas vu de bagarre, j’ai rien vu. Alors oui, bien sûr, les gens boivent.

Malheureusement je ne peux pas aller à des concerts et quitter mon poste. Mais de là où je suis j’entends tout, notamment la scène reggae. Et moi j’aime bien le reggae.

Arnaud :  un roi en son camping

Samedi après-midi : on se permet de déambuler dans le camping A, celui où les premiers festivaliers sont arrivés et ont disposé leurs tentes tels des soldats américains en sueur plantant leur drapeau en 1945 sur Iwo Jima – car il faut le savoir, l’arrivée à Dour est une épreuve physique et morale intense.
Au beau milieu, on a dégoté Arnaud, un festivalier originaire de Charleroi, 23 ans au compteur. Comme un roi dans son camping, la serviette sur les épaules (sûrement un signe de noblesse), les mains croisés, le regard concerné, il a accepté de se prêter au jeu de l’interview :

Dour, c’est un rendez-vous à ne pas manquer. D’habitude je fais plutôt tout ce qui est Graspop [festival métal non loin d’Anvers, ndlr], je vais à Méan [Métal Méan, autre festival métal en Wallonie, ndlr], à Durbuy [festival rock qui se déroule dans la province belge de Luxembourg, ndlr] mais ce que j’apprécie ici, c’est le côté éclectique.
Chaque année je me perds dans la Balzaal [scène techno, drum’n’bass, jungle, dubstep, ndlr] ou dans la Petite Maison dans La Prairie [scène où l’on trouvait en grande majorité du rock indé, ndlr] et j’écoute de l’indé pour un an.

Hier on est allé voir Atari Teenage Riot, une bonne grosse violation des oreilles, et puis on a déambulé. On a pas beaucoup bougé parce qu’il faisait trop chaud. On est un peu resté en mode grosse larve, chose que je ne fais jamais parce que les grosses découvertes, c’est en général les groupes du matin. Mais bon, à la fin, tu sais que Dour c’est mortel. Au camping, il parait même qu’il y a des problèmes d’hygiène. Je ne sais pas pour moi mais c’est mon slip qui me l’a dit.

Arnaud a aussi mis sur le tapis l’âpreté des conditions de vie sur le camping. Pas tellement par rapport à la chaleur et aux 35 degrés qu’on peut approcher en journée mais plutôt par rapport… au relief :

Ce qui est compliqué ici c’est la nature du terrain. Tu vas au Graspop, par exemple, c’est “easy game” parce qu’il y a du macadam jusqu’à l’entrée du festival et le camping est plat : c’est un champ qui fait 500 mètres de large sur un kilomètre de long. Ici t’arrives dans le camping t’as le chemin de terre, t’arrives dans le festival, t’as des trous partout. Dour, c’est un festival qui se mérite.

Laura, Jeanne, Laura : le club des trois

Laura, Jeanne et Laura, on les a croisées aux abords d’un terrain de foot situé du côté de la “scène” (qui n’en est pas une) Special Beers. Toutes les trois Belges, entre 17 et 20 ans, on a contextualisé leur passage dourien :

Laura | C’est mon quatrième Dour. Chaque année j’aime bien parce que c’est à côté de chez moi, à côté de Mons. Ça fait des mini-vacances de quatre à cinq jours.
Laura (bis) | Mais cette année, examen de passage oblige, on ne vient qu’un jour. On est en droit à l’ULB à Bruxelles [Université Libre de Bruxelles, ndlr]. Du coup, on a des examens à passer.

Aujourd’hui on va d’abord allez voir Psycho 44 [un célèbre groupe de rock néerlandais, ndlr] puis Skip The Use, La Smala, Klaxons, Paul Kalkbrenner, Noisia et Bakermat. C’est ce qu’on a envie de voir même si ce n’est pas dans l’ordre. On écoute surtout du rock mais aussi tout ce qui passe à la radio. Et puis Dour c’est l’occasion de découvrir de nouveaux groupes.

Justine : assise à l’ombre de la techno

C’est mon deuxième Dour et ce qui m’a fait revenir, c’est l’ambiance et la diversité au niveau de la musique. C’est ce que je trouve un peu dommage d’ailleurs cette année : il y a beaucoup plus de musique électronique que le reste et donc moins de mélanges.
Hier j’ai vu pas mal des artistes que je voulais écouter pendant le festival comme Darkside, Bonobo, Blawan ou Jeff Mills. J’en ai probablement oublié certains.

Fakear : le compositeur électro sur un nuage

Quand on rencontre Fakear au stand presse, c’est pour Radio Campus qu’on lui pose des questions. Son concert sur la scène Jupiler, il vient de le terminer il y a quelques heures à peine. L’adrénaline se lit dans les mots du compositeur caennais qui est venu pour la première fois à Dour.
De son concert, il n’en revient pas :

Le live de ce matin c’était chaud, c’était moite. Vous avez bien défini l’ambiance de Dour : c’était bouillant. Je m’attendais pas du tout à cette réaction du public, surtout à 15 heures, c’était inespéré. Je pensais les cueillir au petit-déjeuner et faire un set doux. Au milieu du concert, j’ai cassé tout ce que j’avais prévu et j’ai fait en sorte de m’adapter aux gens. C’est pour ça je pense que le show est monté en puissance.
C’est fou d’être ici. C’est un honneur. Je le criais en backstage à mon équipe technique. Je pense que je mettrai du temps à réaliser ce que j’ai accompli.

C’est l’ambiance la plus farfelue que j’ai pu trouver dans un festival : ça me fait penser à celle de Panoramas [célèbre festival breton, ndlr] mais avec plus d’ancienneté et de symbolique derrière.
La première image que j’ai eue à Dour en arrivant, c’était ces gens qui se douchaient au kärcher dans un truc pour laver les voitures. Je me suis dit : “mais c’est quoi ce délire ?”. En mode Woodstock. Dour, je pense que tu t’en souviens pour très longtemps : c’est pas un festival comme les autres.

Lydia et Marie, deux dames pipi en vadrouille

C’est la quatrième fois. Je viens de Dour même. Cette année on travaille un peu partout en fait mais surtout au point d’eau du camping des volontaires. Il fait très chaud cette année, mais bon nous on s’arrose, on prend un seau d’eau et hop ça va mieux. On s’arrange comme ça.
Je ne fais que Dour comme festival, et j’y connais tout le monde. Mes chefs sont accueillants, et de manière générale les gens sont sympathiques. On fait des photos avec eux, on a du plaisir : on travaille mais on s’amuse quand même.

BadBadNotGood, prêt à en découdre

Il fait très chaud, on est très excité de jouer à nouveau à Dour. Et puis surtout on est honoré de jouer sur la scène de LEFTO avec ce line-up incroyable. Je pense même qu’on va rester un peu sur la Boombox histoire de voir les concerts.
Honnêtement je pense qu’on a rarement vu une programmation aussi forte. Et puis on ne veut pas rater Madlib qu’on n’a jamais vu sur scène.

Rob : le routard des festivals

Rob est de Maastricht. Rob a une putain de chemise. Rob a des lunettes noires sur les yeux et une barbe grâce à laquelle il aurait pu choper un rôle dans Game of Thrones. Rob est un baroudeur des festivals.
Ça fait quarante ans qu’il parcourt l’Europe à la recherche de la perle rare. Et Dour, ça représente quelque chose pour lui  :

C’est mon sixième ou septième Dour et honnêtement je viens en fonction de la programmation. Parfois des choses me plaisent, d’autres fois non. Cette année je ne reste que deux jours et j’attends le show de King Khan And The Shrines dimanche.
Je l’ai découvert il y a quinze ans à Roskilde [festival danois – au nord de Copenhague – surnommé le “Woodstock de l’Europe du Nord”, ndlr]. C’est un mec génial, il fait de la super musique et tout le monde devrait l’écouter en live.

Ce que j’aime à Dour c’est le vent de liberté qui y souffle. Les choix musicaux des programmateurs sont parfois extrêmes alors que la plupart des festivals lissent leur programmation. Ici, il y a encore du hardcore par exemple.
En fait à Dour il y a quelque chose pour tout le monde. Et puis Dour est très mal organisé et j’adore ça. Ça me rappelle comment les festivals étaient dans le temps. Moins organisés, moins calibrés.

Dour en vrac