Entretien : la boîte à styles de Moïse The Dude

Entretien : la boîte à styles de Moïse The Dude

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Par Tomas Statius

Publié le

The Big Lebowski

Moïse The Dude | Moïse The Dude, c’est un clin d’oeil à Devin The Dude, rappeur de Houston, au Big Lebowski bien sûr, ainsi qu’à ma bonhomie naturelle (rires). Dans les films américains, le dude, c’est vraiment le mec, c’est un terme presque péjoratif par moments et j’aimais bien cette idée.

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Pour ce qui est de la référence au Big Lebowski, j’ai effectivement poussé le truc un peu loin, jusqu’à emprunter au personnage sa démarche, son peignoir. Dans le premier EP il y a même des références claires et nettes au film. Dans le morceau “Walterlude“, par exemple, je traduis quasiment mot à mot des répliques du personnage et je les rappe.
Le Big Lebowski c’est un loser, mais c’est un loser qui aime sa lose. Il ne la subit jamais. Il ne perd jamais son sang-froid ni sa “coolitude”, même dans l’adversité. C’est une métaphore que je souhaitais filer mais aussi dont je voulais me détacher pour le second EP.

Rap de blanc  ?

Je dirais qu’à l’époque de Bhale Bacce Crew je faisais du rap dit conscient, même si, déjà là, je me retrouvais plus dans une sorte d’introspection que je mélangeais à un message politique et à de l’egotrip. Je me suis toujours vu comme une sorte de savant fou, toujours à la recherche de nouveautés dans mes placements, dans mon écriture ou ma manière de rapper.

C’est vraiment la rencontre auditive avec la scène “spé” du rap français (Tekilatex et consorts) qui a changé mon approche. Je me suis dit qu’il y avait un autre truc à faire. C’est peut-être aussi le côté rappeur blanc, c’était plus facile de s’identifier pour moi.
J’ai toujours voulu et eu le sentiment d’être dans un entre-deux. Entre ce “rap spé”, qui se pensait parfois comme un pur divertissement, et un rap où il y a cette petite touche “consciente” qui se cache.

“Dirty South”

Je ne rejette pas le boom-bap. J’en ai écouté énormément et je connais mon rap new-yorkais sur le bout des doigts. J’ai juste suivi les évolutions, les tendances si tu veux.
Après je pense qu’on est un certain nombre en France à se reconnaître dans ce courant-là, parce que c’est un rap qui peut apparaître moins chiant que le rap de la Côte Est, moins cérébral, mais aussi plus festif, plus transgressif, avec les références constantes aux gonzesses, à la drogue, au strip-tease. Ça charrie un imaginaire assez outrancier, tout en étant fun, foutraque et un peu punk dans l’idée.

J’aime l’idée d’avoir un univers musical qui n’est pas complètement dans une tendance. Je travaille avec des gens qui ne viennent pas du rap (Monkey Green, Pernini9000, The Grissom et Joachim De Lux), qui apportent leur touche actuelle, tout en ne se cantonnant pas à un style. Moi-même j’essaie d’écouter des choses différentes. Par exemple, j’ai beaucoup aimé l’album de Damon Albarn ou celui de Philippe Katerine.

Littérature et Trash

Quand j’étais petit, j’ai dévoré les Arsène Lupin, les Sherlock Holmes. Aujourd’hui je lis moins, mais j’ai tout de même eu une grosse période littérature américaine : Bret Easton Ellis, bien sûr, mais aussi Hubert Selby, qui est un peu son père spirituel.
Dans la même veine, le bouquin qui m’a le plus marqué c’est La Famille Royale de William Vollmann. Ce livre m’a retourné le cerveau. Le titre n’a rien à voir avec l’histoire : en gros, c’est une histoire de putes à San Francisco. J’ai aussi dévoré Pimp de Iceberg Slim, qui est plus ou moins un roman autobiographique. Ce mec était proxénète et il te raconte son quotidien, enfin ce qu’il dit être son quotidien [le rappeur Ice-T a produit un documentaire sur la vie de l’intéressé : Portrait of a PIMP, ndlr].

“L’évolution ça a vraiment été de muscler mon jeu”

 

Même si j’ai un goût prononcé pour cette littérature-là, “urban thrash” quoi, j’ai eu aussi une grosse période Daniel Pennac que j’ai lu et relu. Je pense avoir des références assez variées.

“Loser magnifique”

Je n’arrive pas – et d’ailleurs je n’en ai pas envie – à me séparer ni du côté loser ni du côté “mâle dominant”. Je conserve dans mes textes ce côté un peu rap de caillera, un peu ghetto. Tout en gardant à l’esprit que je suis un petit blanc qui rappe. Le rap, pour moi, il faut que ça soit un peu méchant.
C’est marrant parce qu’une bonne partie des rappeurs blancs joue avec cette image de loser. Moi, je ne veux pas me cantonner à ça, ce qui ne veut pas dire que j’ai envie de jouer au gangster non plus.

C’est pour ça que je ne voulais pas rester enfermer dans la référence au Big Lebowksi. Entre les deux EPs, mon évolution ça a été de muscler mon jeu, et donc d’arriver avec un truc plus viril, plus assumé, plus appuyé, plus sombre finalement. Et plus rap.

On peut trouver Moïse sur Facebook, Twitter, Bandcamp (où les deux EPs, ainsi qu’une version “Screwed & Chopped” du Volume 2 sont disponibles en téléchargement) ou encore YoutubeSon prochain projet est d’ores et déjà en préparation : un album collaboration avec David Gourmette dont le premier extrait, “Chui pas d’humeur”, est déjà en écoute. 
Merci à Louis Lepron pour les photos et Jordan Beline pour les GIFs.