Écouter avec les yeux vol. 1 : 3 albums aux artworks décalés à dévorer du regard

Écouter avec les yeux vol. 1 : 3 albums aux artworks décalés à dévorer du regard

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Par Julie Bluteau

Publié le

Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ? Pas vraiment.

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En matière de culture et de musique en particulier, la forme est presque aussi importante que le fond. Du dauphin-banane de Basile di Manski à l’hommage à l’œuvre de Frida Kahlo rendu par Agar Agar, en passant par le burger de détritus servi par Is Tropical, voici une sélection d’albums aux artworks décalés que l’on dévore d’abord du regard.

Basile di Manski, In Camera, Pain Surprises

L’EP : à voir le jeune homme poser nu devant un fond rouge avec des roses blanches sur la page de présentation de son label, on se doute rapidement que le kitsch ne lui fait absolument pas peur. Enfant Culture Pub, Basile Szymanski (son vrai nom) aime toutes les formes d’art, qu’il s’agisse de l’écriture, de la musique ou du design. À l’image de ses vocations, sa jeunesse fut aussi un vrai pot-pourri, l’artiste passant autant de temps à créer des petits films en VHS qu’à faire du skate.

Touche à tout, Basile a tenu à réaliser lui-même l’artwork de son deuxième EP, In Camera (à prononcer à l’italienne). Un concentré d’indé pop en six titres, parmi lesquels l’excellente ritournelle “Hollow Disco” sur laquelle il pose sa voix grave et entêtante.

L’artwork : avec ce dauphin-banane, qu’il a lui-même conçu et que Studio Jimbo a peaufiné, il a voulu exprimer son zeste de folie : “La banane et le dauphin, ce sont deux formes très similaires qui s’attirent. C’est une image-gimmick qui peut avoir l’air absurde ou décalée, mais en réalité elle joue avec des symboles assez mainstream de l’inconscient collectif. Le dauphin, c’est le rêve, la spiritualité, l’enfance. La banane, c’est un truc plus phallique, plus terrestre”, précise-t-il.

Désormais signé sur le label Pain Surprises, celui qui se destinait à une carrière d’avocat passe aujourd’hui son temps à s’amuser avant toute chose, et il le fait plutôt bien. Trimballant son baise-en-ville de Paris à Bologne en passant par Milan ou Ramallah, Basile joue aux producteurs, sans jamais se prendre au sérieux. Admiratif du monde qui l’entoure, il cherche actuellement l’inspiration à Lima, au Pérou.

Sur Instagram : @basile_di_manski ou @studio.jimbo

Is Tropical, Black Anything, Axis Mundi Records

L’album : échappé du label Kitsuné, sur lequel il avait signé ses deux premiers albums, le groupe Is Tropical a livré Black Anything, sa dernière fraîcheur, sur Axis Mundi. Pour la pochette de leur disque, à l’atmosphère plus solaire que son titre, les Londoniens ont souhaité “quelque chose à la fois tourmenté, morbide, étrange et troublant, mais qui résume parfaitement l’album”, explique Dominic Apa, le batteur du groupe.

Grâce à leur rayonnement international, les membres du groupe ont demandé à leurs compatriotes Christian Ashton et David Abrahams de concevoir un visuel pour la version vinyle de chaque continent, ainsi qu’un artwork global : ce hamburger de détritus, que l’on peut voir aussi comme une île déserte.

L’artwork : Christian Ashton, (qui avoue être fan de la pochette de Wish You Were Here des Pink Floyd) et David Abrahams (photographe pour les marques Topshop, Tommy Hilfiger et le grand magasin Harrods), ont réalisé à quatre mains l’artwork en s’inspirant du nom de l’album, qui ouvre à plein d’interprétations différentes. Ils ont donc décidé de mettre en scène ce contraste, en composant et en photographiant un hamburger aux allures d’îlot scintillant, où des déchets et des feuilles mortes remplacent le steak saignant et la salade, et où des paillettes s’immiscent sur le pain à la place des traditionnelles graines de sésame.

Tous les objets qui composent la pochette ont été récoltés dans les rues de Londres, en particulier sur Ridley Road, pour un résultat au final très photogénique, explique Christian Ashton, qui ajoute : “Même si le nom de l’album contient le mot ‘Black’, il ne fallait pas le prendre au sens littéral. L’artwork est extrêmement brillant, accrocheur, avec une nuance plus sombre, tordue.”

En créant ce contraste, les deux artistes signent l’une des pochettes d’album les plus réussies et ambigües de l’année.

Sur Instagram :  @istropicalofficial@david_ablehams

Agar Agar, Prettiest Virgin, Cracki Records

L’album : avec son premier titre “Prettiest Virgin”, Agar Agar s’est imposé en force – et en quelques mois à peine –comme le nouveau talent de l’écurie Cracki, maison mère d’Isaac Delusion ou de l’Impératrice. Mais derrière ce morceau énergique et gentiment nostalgique, où l’électro côtoie la pop en douceur et rappelle celle des années 1980, c’est aussi une pochette qui est loin d’être passée inaperçue. Forts de l’accueil que le titre a reçu, Clara Cappagli, la chanteuse, et Armand Bultheel, aux machines, ont donc sorti dans la foulée leur premier EP, Cardan, en septembre dernier.

Agar Agar avoue son admiration pour le travail et l’univers des membres du collectif Groduk & Boucar, notamment en raison de “leur légèreté et leur franchise, leur polyvalence et leur côté funky”. C’est donc tout naturellement que le duo a fait appel à ses artistes préférées du moment pour réaliser l’illustration de ses morceaux, en leur laissant carte blanche.

L’artwork : derrière Groduk & Boukar se cachent Margaux Hauduc et Océane Carbou. Les deux jeunes femmes, spécialisées dans la sérigraphie et la gravure, se disent “très attachées au côté traditionnel, manuel et sensible de l’image”. Pour l’artwork de Prettiest Virgin, elles ont délaissé leurs talents premiers et ont préféré miser sur la peinture, en réalisant une œuvre abstraite et onirique à la fois, qui plonge une femme ressemblant à Frida Kahlo au cœur d’un paysage désert dans lequel elle se confond : “On ne voulait pas spécialement une illustration littérale du titre, mais plutôt retranscrire l’ambiance du morceau, à la fois lascive et shiny”, expliquent les deux artistes.

Et lorsqu’on leur demande ce qui arriverait à cette “Prettiest Virgin” si la pochette devait s’animer, Margaux et Océane répondent d’une même voix : “On sait tous ce qui arrive à la plus belle des vierges après le bal de promo !” Influencées par des artistes aussi divers que Magritte ou Hockney et les pochettes d’albums de New Order, Margaux et Océane semblent avoir réussi leur pari.

Sur Instagram : @grodukboucar