“Disappear Here” : Bret Easton Ellis et Braxton Pope bousculent Hollywood

“Disappear Here” : Bret Easton Ellis et Braxton Pope bousculent Hollywood

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Par Olivier Amiel

Publié le

Entièrement réalisé par Bret Easton Ellis

L’affirmation polysémique Disappear Here est le gimmick et le fil conducteur du premier roman de Bret Easton Ellis Moins que zéro (1985) :

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Je mets la radio à fond. Les rues sont complètement vides, je conduis vite. Quand j’arrive à un feu rouge, j’ai bien envie de le griller, mais je m’arrête dès que j’aperçois un panneau publicitaire que je ne me souviens pas avoir vu.
Il dit seulement “Disparaître Ici”, et bien que ce soit probablement une pub pour une station balnéaire quelconque, ça me flanque la trouille, j’enfonce la pédale de l’accélérateur et la voiture bondit en avant.
Je mets mes lunettes noires quoiqu’il fasse encore nuit, je regarde sans arrêt dans le rétroviseur, car j’ai l’étrange impression qu’on me suit.


Pour la première fois avec ce projet, il assure lui-même – et seul – la réalisation en passant derrière la caméra. Le résultat d’un processus engagé depuis quelques années avec une distanciation du monde littéraire vers celui du cinéma.
Si Bret Easton Ellis en a peu parlé pour le moment, évoquant simplement une série de “petits films impressionnistes” ou de “segments pour YouTube”, Braxton Pope donne des infos supplémentaires et exclusives à Konbini :

Nous avons tourné quelques épisodes qui sont de l’ordre de 6 à 7 minutes. Nous n’avons pas encore déterminé la manière de les classifier. Il y a des histoires qui fonctionnent seules et d’autres qui s’insèrent entre elles avec des personnages récurrents.
Un certain nombre de réalisateurs nous ont approché pour diriger les futurs “épisodes”. Mais comme pour l’instant ils sont réalisés par Bret, il y a un ton et un langage visuel qui lui sont propres.

“Un moment culturel intéressant”

Comme pour The Canyons, le thème central de Disappear Here sera celui du culte de soi et de la surveillance personnelle. Sa diffusion se fera sur la chaîne Internet du duo, un moyen encore une fois de contourner le système, comme le rappelle Braxton Pope :

Je crois que Bret et moi avons des interrogations saines sur le système du studio, d’abord parce que notre motivation n’est pas dirigée dans des projets “mass market”, des films grands spectacles qui reposent sur des “marques” existantes.
Il y a un fossé entre ça et la culture du cinéma de la narration remplie par les films indépendants qui bénéficient de beaucoup moins de ressources. Donc nous nous retrouvons dans un moment culturel intéressant, où l’appétit pour les histoires demeure, mais la grosse machine des studios ne soutient pas les réalisateurs qui ont envie de les raconter.


Et de poursuivre :

Bret et moi essayons de trouver des moyens de garder le contrôle et fabriquer les images qui ne sont régulées ni par des forces extérieures ni par des studios, et par là j’entends avec les banques d’investissement et les financiers. C’est l’industrie du cinéma, bien sûr, mais il faut faire attention à la logique commerciale.
Nous nous trouvons dans un grand déséquilibre où les budgets pour les films “mainstream” et “marketés” grimpent alors que de moins en moins de films sont réalisés. Nous voulions profiter aussi des plateformes digitales de distribution qui impliquent les réseaux sociaux. Plutôt que de faire 100 rendez-vous, on a décidé de tourner.

À noter enfin la participation de Leslie Coutterand, actrice française inconnue dans son pays natal (mise à part une oubliable et pardonnable participation à la série Julie Lescaut), mais qu’Ellis et Pope adorent. Ils lui avaient d’ailleurs confié la tâche d’assurer la doublure de Lindsay Lohan pour le tournage de The Canyons.
Le tournage des derniers épisodes de Disappear Here vient de se terminer à Los Angeles, sur le territoire même de l’empire audiovisuel auquel les deux hommes ont décidé de ne pas se soumettre.