Après Warpaint, Theresa Wayman offre LoveLaws, son premier album solo envoûtant

Après Warpaint, Theresa Wayman offre LoveLaws, son premier album solo envoûtant

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©Delaram Pourabdi

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Par Sophie Laroche

Publié le

Après quatorze passées au sein du quatuor féminin Warpaint, avec lequel elle a sorti trois albums, un EP et sillonné les routes du monde, Theresa Wayman se lance en solo avec un premier projet romantique nommé Lovelaws.

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Accoudée au bar, lieu de socialisation par excellence, Theresa Wayman ressasse sa solitude en invoquant, le temps du clip de “I’ve Been Fine” extrait de son premier album, les souvenirs d’une histoire passée. Sur une mélodie obsédante, comme elle sait si bien les créer, la musicienne se lamente (“why can’t you be next to me ?”) luttant contre ses propres démons au beau milieu des clients avant de conclure la vidéo par un fou rire qui se déclenche une fois les lumières rallumées. À sa manière, le clip résume sûrement toute la philosophie du projet qui se dessine comme une joyeuse émancipation.

Theresa Wayman, qu’il faut désormais appeler TT, (surnom attribué par le père de son fils) sort aujourd’hui LoveLaws, son premier album solo après quatorze années passées au sein du groupe Warpaint. L’histoire du quatuor, les fans la connaissent déjà sur le bout des doigts. Créée en 2004 le soir de la Saint-Valentin, la formation regroupe Theresa, son amie d’enfance Emily Kokal (au chant et à la guitare) et les sœurs Lindberg – Jenny Lee et Shannyn Sossamon – respectivement à la basse et à la batterie, avant que la dernière ne laisse sa place à l’Australienne Stella Mozgawa.

Ensemble, les quatre musiciennes produisent un son complètement ensorcelant et onirique qui mélange une tonne d’influences, allant du rock au psyché en passant par le hip-hop, qu’elles prennent le temps de peaufiner. Pour preuve, depuis 2008, elles n’ont sorti que trois albums et un EP. Cela ne les a pourtant pas empêchées de se produire sur les scènes du monde entier, notamment en première partie d’artistes comme Nick Cave, Depeche Mode et encore très dernièrement Harry Styles.

Pourtant, cette vie rapide passée sur les routes devient vite insoutenable pour les quatre femmes qui aiment prendre leur temps et cultiver leurs espaces créatifs individuels. À la fin de la tournée de leur deuxième album, le groupe menace d’ailleurs de se séparer avant de changer de méthode et de logistique de création pour accorder plus de temps aux individualités. Du temps précieux qui permet à Theresa de poursuivre un processus créatif initié quelques années auparavant. En témoignent les premières notes de “I’ve Been Fine” dévoilées dans une vidéo pour Guitar Power en 2014.

Honorer “les Muses”

“Creuser assez profondément et travailler très dur dans les moments où je n’étais pas avec Warpaint et durant lesquels j’aurais pu me relaxer pour peaufiner d’autres projets, je pense que ça a été un vrai challenge. De plus, j’ai découvert que j’avais envie de créer différents types de musique. C’était parfois dur de finir l’album car j’étais distraite par les autres choses que je voulais accomplir. J’ai dû faire preuve de persévérance”, nous explique-t-elle au téléphone. Pour boucler ce projet dont les premières ébauches remontent à 2012, la jeune femme a dû s’imposer une discipline créative qui ne lui a pas été inspirée par n’importe qui.

Alors que le quatuor tourne en première partie de Nick Cave, celui-ci leur conseille d’essayer de créer tous les jours afin “d’honorer la Muse”. Pour Theresa, il s’agit d’explorer sa jeunesse : “Ma muse, ce fût la jeune femme que j’ai été et qui voulait faire de la musique depuis si longtemps. Il s’agissait d’honorer cette personne. Ainsi, le dernier album de Warpaint avait développé des sonorités très pop que certains fans avaient qualifiées, non sans déception, de “mainstream”. 

LoveLaws nous plonge plutôt dans le trip-hop des années 1990, décennie durant laquelle la musicienne de 37 ans, fan de Kurt Cobain, des Talking Heads et de Björk (entre autres), a vécu son adolescence. Une plongée dans ses premières amours qui n’avait pourtant rien de prémédité. Elle a confié à I-D : 

“Je savais que je faisais de la musique de la manière dont elle était faite à l’époque, […] mais je n’avais pas compris que ça venait de là jusqu’à ce que quelqu’un me dise, ‘c’est très trip-hoppy’. Je pense qu’il s’agissait des années durant lesquelles j’ai commencé à sentir que je voulais faire de la musique. C’est à travers cette musique que j’ai l’ai su plutôt qu’en apprenant des morceaux des Beatles.”

En résulte un album dont il est difficile de tracer les contours. Les sonorités ambient et expérimentales font appel aux émotions et tiennent, tout comme les premiers albums de Warpaint, de l’impression et du rêve. L’artiste le décrit elle-même comme un projet plutôt “lent, plutôt sexy et assez émouvant”.

L’amour, la sensualité et la romance

“La muse, c’était aussi l’amour, juste l’amour, la sensualité et la romance.” Comme le titre du projet l’indique, l’amour est le point où se rencontrent tous les morceaux de l’album. S’inspirant de son histoire personnelle, Theresa Wayman oscille entre affection inconditionnelle (notamment pour son fils de 12 ans) et échecs souvent conditionnés par son rythme de vie cadencé et les tournées. De manière parfois énigmatique, mais avec une sensibilité musicale qui défie tout réalisme, l’artiste américaine partage sa solitude liée à l’éloignement et la difficulté qu’elle rencontre à construire une relation durable tout en finissant par s’affranchir de cette exigence.

Une prise de confiance qui infuse le projet. Alors qu’au sein de Warpaint la fragilité de son interprétation contrastait avec l’assurance de la voix d’Emily Kokal, des titres comme “Tutorial” ou “Take One” lui permettent de s’affirmer davantage. Il faut dire que Theresa a appris à lâcher du lest. “Je souffrais d’anxiété et de peur durant ma vingtaine. Ça a progressivement fondu durant les cinq dernières années. J’avais l’habitude d’être assez renfermée et maintenant je suis plus ouverte, moins septique et sévère”, explique-t-elle dans une interview.

L’artiste se fait désormais plus confiance que jamais. La preuve, elle produit l’entièreté du projet avec son frère Ivan Wayman, ingénieur du son et producteur, mais s’est aussi emparée de la plupart des instruments. Ainsi, la guitariste s’est entichée de la basse et du synthé, qu’elle maniait déjà avec parcimonie au sein de Warpaint, tout en programmant des rythmiques sur la majorité des morceaux et en s’adonnant à l’apprentissage des beats. À l’Irish Time, elle explique :

Je me suis établie comme mon propre musicien, réfléchissant : voici ce que je peux faire et voici les autres directions vers lesquelles je peux aller car je prends de l’âge et je ne veux pas nécessairement faire des tournées pour toujours. Je veux construire mes propres forces, par exemple je peux produire pour les autres.”

LoveLaws est disponible depuis le 18 mai.