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47Soul, le groupe palestinien qui veut briser les frontières à coups d’électro

47Soul, le groupe palestinien qui veut briser les frontières à coups d’électro

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Par Anaïs Chatellier

Publié le

“On a tous entendu parler l’un de l’autre grâce aux réseaux sociaux et aux vidéos qu’on postait sur YouTube. On était tous attirés par les musiques que faisaient les autres. On a donc commencé à échanger et rapidement est venue l’envie de se rencontrer.”

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C’est donc à Amman, la capitale de la Jordanie, qu’ils brisent enfin les barrières du virtuel, répètent quelques jours et donnent rapidement leur premier concert qu’ils se remémorent avec toujours beaucoup fierté et d’enthousiasme :

“Quand tu vois que tout le monde danse, y compris les barmen, les techniciens et les vigiles, tu te dis que ta musique est accessible à tous et qu’il faut absolument continuer !”

Le “shamstep”, genre novateur entre dabkeh, mejwez et synthé analogique

Ils affinent petit à petit leurs compos, s’inscrivant dans cette nouvelle vague de la musique arabe qui mélange à souhait rythmes traditionnels et sons électros. “Dans le monde arabe, nous avons un problème d’identité, nous avons souvent été privés de notre culture. Nous avons été divisés, c’est pour cela qu’on trouve un regain d’intérêt pour les jeunes envers les musiques traditionnelles”, analyse Walaa Sbeit.
Plus précisément, 47Soul se revendique de l’électro-mejwez, cet instrument à vent palestinien qui accompagne parfaitement le dabkeh, danse traditionnelle des pays du Levant.

“Ce qui est très important pour nous, c’est que nous n’utilisons pas de samples, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres groupes, précise Z the people. Nous jouons avec des instruments, nous jouons notre propre culture !”


C’est pourquoi ils ont décidé de créer un nouveau genre : le “shamstep”, contraction de “sham”, référence à la région Bilad el-Cham, qui regroupe le Liban, la Jordanie, Israël et la Syrie, et de “step” pour rappeler que le but de leur musique est de faire danser le public.
Un style musical à part entière, qu’ils considèrent comme novateur, et qui a donné son nom à leur premier EP sorti en juin 2015.

Shamstep est vraiment important pour nous car ce sont les cinq premiers morceaux que nous avons joués les uns devant les autres, et qui nous ont donné envie de créer ce concept. C’est vraiment juste le début et nous préparons la suite pour 2017″, poursuit El Far3i.

Chanter pour la liberté de mouvement

Le plus important pour nous c’est que le public aime la musique et qu’on les fasse danser, répète Walaa Sbeit. Après, ceux qui voudront regarder d’un peu plus près nos paroles, pourront voir qu’il y a un message“. Ce message est d’ailleurs plutôt simple, avoue-t-il.

“Il s’agit de dénoncer les problèmes concernant les libertés et les inégalités, ce qui existe malheureusement partout dans le monde.”

En chantant des sujets universels en arabe et anglais, 47Soul souhaite toucher un large public à l’international et pas uniquement dans le monde arabe. Pour autant, ils n’oublient jamais d’où ils viennent et dénoncent régulièrement la situation complexe au Moyen-Orient.

“Par exemple, nous parlons de nous en train de chanter, de cette chance que nous avons de pouvoir voyager grâce à notre musique alors que de nombreux Palestiniens ne peuvent même pas quitter leur quartier à cause des frontières qui ont été imposées”, regrette El Far3i.

“L’âme de 1947”

C’est d’ailleurs pour cette raison que les quatre musiciens ont choisi symboliquement comme nom de groupe, 47Soul, que l’on pourrait traduire par “l’âme de 1947”, en référence à cette période pré-Nakba où “il était encore possible de circuler librement en Palestine“, précise Z the people. Et d’ajouter : “Pour nous ce nom, c’est un symbole de la liberté de mouvement.” 
D’ailleurs, lorsqu’on aborde le thème délicat du conflit israélo-palestinien, on ressent une touche d’amertume dans leur voix. Leur réponse est sans appel :

“Il ne s’agit pas d’un conflit car un conflit, c’est entre deux parties égales, nous ne sommes pas égaux. Il s’agit d’une occupation, d’un apartheid, s’indigne Walaa. Je suis palestinien, je me considère comme un citoyen du monde, mais je vis comme un citoyen de troisième classe sur mon propre territoire.”


S’il reste sceptique quant à l’évolution de la situation au Moyen-Orient, il se réjouit au moins d’une chose : “De plus en plus de personnes, notamment dans le monde occidental, prennent conscience de la situation au Proche-Orient.” Pour autant, tous les membres du groupe veulent faire passer la musique avant le reste :

“Nous ne voulons pas que les personnes viennent nous voir parce que nous sommes palestiniens, pour le côté politique. Nous n’allons pas dans une salle de concert pour que faire une master class sur la situation de la Palestine, nous venons pour faire danser le public et on est sûrs que ça va le faire avec le public français. On veut que les gens deviennent fous en écoutant notre musique !”

47Soul sera en concert le 5 mai à la Bellevilloise, à Paris, et le 7 mai aux Nuits sonores, à Lyon.